Les représentations sont trompeuses

Tolag, jeudi 24/12/2015, 13:00:08

Joseph est un spécialiste du traitement électronique des images. Faire croire vraie une image fausse ou même inexistante ne lui pose pas beaucoup de problèmes techniques. Demain, sur son écran, cette Yuka aura les photos demandées. Elle ne se doutera certainement jamais que la réponse du lendemain — ou d’un autre jour — aura été simultanément envoyée à plusieurs centaines de correspondants. Elle sera peut-être la seule à recevoir des “photos”, ou à les recevoir ce jour-là… Pour elle, Charlotte existe, elle croit la connaître, elle peut lui confier ses secrets, ses états d’âme, ses chagrins… Où est la vraie vie? Qu’est-ce qui prouve que Yuka existe et quelle importance? L’essentiel n’est-il pas la conscience que lui a, lui seul, de l’existence de X… ou de Y… comme de la sienne? Tout n’est qu’apparence, jeux de langage… Tu existes parce que je le dis. J’existe parce que je le crois.

Il pense aux images que lui a envoyées Blaise Carver, à cette recherche auquel cet inconnu — pour lequel il a une certaine sympathie — s’est pris dans ses brumes londoniennes. Il va les examiner. Il le fera. Il a tout le temps nécessaire pour travailler quand il veut, dormir le jour, travailler la nuit… ou l’inverse. Ça n’a aucune importance : il vit hors de tous les temps.

Joseph se sert un troisième verre de Lagavullin. Dans cet état un peu intermédiaire où l’esprit, déjà embrumé par l’alcool a cependant l’impression d’être supérieurement lucide, il se trouve bien. Il fixe le bleu intense du ciel, se sent gagné par le sommeil. Sous le regard de son mainate, s’installe dans son hamac, s’endort…