Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

14 octobre 2005

Sydney Delbanco

Paris, dimanche 20/12/2015, 14:26:59

Le ciel est une lourde chape de béton jaunie par les lueurs glauques de la ville. Il neige sur Paris. Une neige lente, humide, éparse, à la limite de la pluie ; de la neige cependant.

En dépit de l’invasion du cybersex qui n’a tué que les sex-shops, la rue Saint-Denis est toujours encombrée de putes, poubelles, travailleurs immigrés, passants, véhicules électriques les plus divers… Tous circulent dans une sale boue brunâtre de neige mouillée. Il y a bien longtemps que les pouvoirs publics ont abandonné toute tentative de reprise en main du centre-ville devenu le refuge de la population cosmopolite des désintégrés, le domaine, presque sans lois, des trafics les plus variés. Dispensés de la nécessité absolue de se rendre tous les jours dans des lieux de travail fixes, la plupart des habitants se sont installés dans de lointaines banlieues plus confortables, plus sûres, closes, protégées par des milices privées : sécurisées.

Dans le gris de cet après-midi triste, la ville est sinistre. Devant les vitrines anciennes et délabrées, dans les gouffres sombres des couloirs profonds qui trouent les pâtés d’immeubles, des groupes se font, se défont, s’échangent des marchandises diverses : vêtements, conserves, boissons, drogues, smart cards, cartes de crédits, armes, clés, papiers officiels… tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, est indispensable à tous les exclus — volontaires ou contraints — du réseau d’échanges.

Sidney Delbanco en fait partie. Né en France dans une famille ayant clandestinement immigré d’Afrique, il a connu toutes les galères : appartements squattés ou sous-loués dans des conditions précaires, déménagements précipités, saisies, expulsions, écoles minables, boulots au noir dès l’enfance pour contribuer à la nourriture de ses trop nombreux frères et sœurs, bandes, prostitution, drogue, petite délinquance… À seize ans, il a été condamné à un an de prison. Sans formation sérieuse, sans appui, sans projet autre que celui de survivre dans la jungle des désintégrés, il ne subsiste que grâce à des combines plus ou moins minables. Son principal souci est d’échapper à tout contrôle.