Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

18 novembre 2006

La technique du Cheval de Troie

Daudinka, lundi 28/12/2015, 09:05:11

Irina se lève. Le froid de la chambre la saisit. Elle se précipite sur la bouilloire électrique, met du thé dans sa théière. Marche, autant pour se réchauffer que pour réfléchir, de long en large dans la petite chambre. Il ne suffit pas d’accumuler les données, pas plus de se noyer dans les informations. Pour que ce soit utile, encore faut-il leur donner du sens, construire des hypothèses. En attendant que l’eau chauffe, Irina Karaminskaïa s’enroule dans sa couette. Elle regarde par la fenêtre. La nuit est encore très noire, la neige lourde, épaisse, tombe en abondance, se colle aux vitres gelées, l’enfermant dans un monde d’ouate. Elle réfléchit. Que veulent-ils savoir ? Pourquoi Kharamidov a-t-il été assassiné? Qu’ont-ils découverts ? Que la mort de Kharamidov est liée à trois personnages: Alexis Jonak, David Peirse et Andrès Sanlucar. Deux d’entre eux sont morts ; Sanlucar à Paris où il se servait de la carte Visa de Kharamidov. David Peirse a disparu en Europe. On peut, sans grand risque d’erreur, en conclure qu’ils étaient complices, que l’un des trois — vraisemblablement Peirse — a assassiné Kharamidov. Il y a peut-être eu une dispute entre les trois hommes, en tout cas, Jonak a été suicidé. Les deux autres se sont enfuis. À son tour Sanlucar a été assassiné. Reste David Peirse, certainement le meurtrier. L’enquête pourrait s’arrêter là. Simplement ce n’est pas satisfaisant. Ce n’est pas satisfaisant parce que cette affaire crapuleuse semble liée à quelque chose à la fois moins saisissable et plus passionnant qui justifierait la curiosité de Blaise : la victime et les trois complices sont tous liés à l’association Sarpedon. Ça ne peut pas être une simple coïncidence. D’autant qu’il y en aurait alors trop: les comportements de Sarpedon et ceux de Kharamidov se ressemblent sur plus d’un point.

Irina verse l’eau bouillante dans sa théière, laisse infuser… Elle se tasse dans l’unique fauteuil au velours râpé de la chambre. Seul le haut de son visage dépasse de la boule rouge de la couette.

Il y a certainement un deuxième niveau à cette affaire. Irina en est de plus en plus persuadée. C’est celui-là qui intéresse le sociologue Carver. Irina regarde fumer le bol de thé qu’elle vient de se servir : si l’association Sarpedon est derrière ce meurtre, alors Sanlucar, Jonak et Peirse — qui, même s’il semble qu’ils se prostituaient parfois, n’avaient rien de petits truands — devraient avoir un lien avec elle… Ce lien devrait laisser des traces… Pour l’instant, le reste n’a pas beaucoup d’importance. Elle boit une gorgée de thé brûlant, apprécie la chaleur aromatique qui envahit sa poitrine, ferme les yeux. La première chose à faire est de chercher cette trace. Irina finit son bol de thé. Le mieux est d’utiliser la technique du “cheval de Troie”.