Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

19 octobre 2005

Dogue et Mastiff

Une bête noire, yeux injectés de sang, arrache d’un coup de dent un morceau de l’épaule d’un mastiff au pelage marron ras qu’un autre, un dogue, blanc sale, reflets rosés, mord à l’échine. Le quatrième, poil grisâtre strié de noir, en profite pour le mordre à la cuisse. La foule hurle, le maître de l’animal marron l’insulte. En vain. Les trois autres molosses s’acharnent contre lui, ne lui laissent plus de répit, et dans un chaos de corps musculeux, roulant sur le sable sanglant, s’efforcent de le déchiqueter. Mordu de toutes parts, le mastiff, ne trouve plus la force de se débattre. Ses derniers coups de crocs ne rencontrent que le vide. Sa gueule cherche à saisir de l’air, ses yeux minuscules se ferment. Mis hors de combat, il bave, jappe, gémit, agonise… Le chien noir, le premier, guidé par son maître, comprend qu’il doit changer de victime. Il renverse le dogue toujours occupé à achever son adversaire précédent. D’une mâchoire puissante, il serre ses crocs sur la poitrine de l’animal à terre, secoue violemment la tête de droite à gauche comme s’il voulait lui ouvrir le corps. Le chien gris, à son tour, abandonne le moribond, s’élance, essaie de saisir le noir à la cuisse. Celui-ci, crocs plantés dans la poitrine de son adversaire parvient à esquiver la charge. Le chien gris renonce à attaquer le noir, attrape à son tour le dogue blanc à la cuisse droite, lui arrache un morceau de chair saignante. Pourtant le chien blanc par des sursauts désespérés parvient à se libérer de l’étau qui lui martyrise la poitrine, surprend le gris, lui saute sur l’échine, l’immobilise un instant sur le sol. Le noir se joint à lui. Tous deux, un instant complices, se liguent contre le gris que tour à tour ils immobilisent, mordent de toutes parts, lui faisant perdre tant de sang que bientôt ses forces l’abandonnent. Rampant douloureusement, il ne peut plus que se réfugier derrière le cadavre du mastiff où, les yeux fermés, tête abandonnée sur le sable, langue pendante, il halète avec peine.

La foule s’agite. Les paris s’enflamment. Chacun excite de la voix son champion. Chien noir, chien blanc sont gueule à gueule. Couverts de sang, babines retroussées dans un rictus de rage, bavent, montrent leurs crocs sanglants, s’observent, tournent lentement dans l’arène, offrent à l’adversaire la plus petite surface possible de leur corps. Tous deux portent des coups de crocs. Leur corps est strié de griffures. Le chien noir boite. Les spectateurs savent qu’ils ne renonceront jamais au combat. Ravis, ils puisent dans cet instinct de mort et de meurtre une revanche absurde sur leurs propres faiblesses.

- Vingt euros sur le noir !
- Trente sur le blanc !
- Deux jours de bouffe gratuite sur le blanc !