Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

13 février 2006

Des trous dans l'emploi du temps

Montréal, mardi 22/12/2015, 17:35:47

L’inspecteur Michaelis est toujours en service… Il a prévenu sa femme qu’il devait finir son enquête : “le commissaire Baker y tenait absolument, il ne peut pas faire autrement. C’est navrant, il s’excuse auprès de la famille, ça l’emmerde…” Il a l’impression que sa femme ne le croit pas vraiment… Ça l’ennuie… Il aurait bien aimé faire en famille la traditionnelle tournée des magasins d’avant Noël… Il n’a pas le choix, sa tournée des bars n’est pas encore finie. Pourtant, jusqu’à présent, ça lui a rien appris.

À l’approche de Noël, Montréal est en fête. Les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine sont illuminées de multitudes de guirlandes multicolores. Malgré le froid glacial, la neige qui ne cesse de tomber, il y a du monde dans les bars. Les marginaux, les solitaires les plus endurcis, ont quelque mal à assumer leur isolement. L’esprit-troupeau fait toujours des ravages…

L’emploi du temps de Kharamidov comporte de nombreux trous. La période qui intéresse Ray Michaelis, celle qui se situe entre le 17 décembre 19 heures 35 et le 18 décembre 1 heure 32 ne correspond à des horaires habituels ni pour la plupart des restaurants, ni pour la plupart des spectacles… Kharamidov était peut-être chez des amis — lesquels ?… ne leur aurait-il pas téléphoné ?… à moins qu’il ait pris rendez-vous de l’étranger !… C’est peu probable…— ou il était dans un bar, une boîte de nuit… Ray Michaelis n’arrive pas à imaginer une autre solution. Il sait que la réalité est inattendue. Il n’ignore pas qu’elle est plus souvent banale ; qu’il est exceptionnel, dans une pareille ville, avec le temps qu’il fait, qu’un homme de quarante ans décide de se promener de nuit le long du Saint-Laurent… Normalement, Kharamidov n’a pu que passer tout ce temps au chaud…

Emmitouflé dans sa vieille parka verdâtre, Michaelis a visité presque toutes les boîtes… En vain… Le visage de Kharamidov n’évoque rien à personne. Sur le fichier de Michaelis ne reste que le “Goodbar”, boîte de travelos un peu marginale, branchée, glauque, plantée comme une verrue dans la partie sud-ouest de la ville, vers le lac Saint-Louis, derrière l’aéroport international Dorval. Pour la trouver, faut traverser des quartiers pourris où il ne fait pas bon se risquer la nuit. Avec ce temps, Michaelis n’a pas grand-chose à craindre. Même les bandes de désintégrés ne doivent pas traîner.