Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

05 janvier 2007

Critique d'art

Montréal, mardi 30/12/2015, 21:19:59

“L’œuvre de Khamid Khan Kharamidov (1978-2015) est, certainement, une des plus importantes de ce début du vingt et unième siècle. Pour la première fois en effet, un artiste a su porter à leur perfection les possibilités d’expression artistiques offertes tant par le numérique que par l’interconnexion généralisée des réseaux. En ce sens, elle est inséparable de la modernité et de la technologie qu’elle dépasse dans une recherche permanente d’universalité.

Les images de Kharamidov ne représentent, ne présentent rien: elles ne renvoient qu’à leur fonctionnement. L’œuvre de Khamid Khan Kharamidov est une œuvre mystique. Bien loin d’une contemporanéité suspecte, ce qu’elle vise ce sont les interrogations humaines fondamentales. Car ce que les créations artistiques de Kharamidov montrent est, en même temps, ce qui est caché. La surface mobile de ses arabesques est profondeur. Son œuvre manifeste l’opposition dialectique du symbole et de ce qui est symbolisé. Si les symboles sont multiples, c’est qu’aucun être ne saurait exister que par l’Être. Le symbolisé ne peut être réduit au symbole, le symbolisé est ce qui ne peut se dire directement, autrement que par le symbole et que, pourtant, le symbole, dans son aspect statique échoue à dire. Par son travail graphique, Kharamidov affiche sa filiation avec les langues orientales qui, au risque assumé de se perdre dans l’incommunicable, cultivent les Addad, ces termes d’origines mystérieuses et de sens opposés. La fonction des arabesques dynamique de Kharamidov, comme celle des Addad est ainsi d’explorer les lieux limites d’interpénétrations du profane et du sacré. La déité est inaccessible et ne se manifeste jamais directement à l’homme. La rencontre de l’humain et de Dieu ne peut se faire que dans le déchirement, dans les ruptures, dans les lieux frontières. La création artistique et chez Kharamidov la forme suprême que prend a pensée quand elle doit se dépasser dans l’indépassable. Si Kharamidov appelle ses œuvres des isharat, c’est parce que ce mot arabe a la double signification de “signe” et de “parole”. Ses œuvres sont des “paroles-signes”, proches en cela de l’alphabet arabe qui joue à la fois de ses possibilités plastiques et de ses possibilités linguistiques: “Il est l’apparent et le caché” comme dit le Coran. Ce qui disparaît révèle ce qui est apparent, ce qui se dévoile révèle ce qui est voilé. Grâce aux contradictions acceptées, revendiquées, s’instaure une forme unique de pensée qui, dans un continuel dépassement du “même” et du “différent”, du “proche” et du “lointain”, du “fixe” et du “mobile”, s’approprie l’impensable. L’œuvre de Kharamidov a bien plus qu’une simple ambition plastique, elle est mystique au sens le plus profond du terme.

Il n’est pas surprenant que le poète préféré de Kharamidov soit Mansûr Al-Halâj :

Les lumières de la lumière de la Lumière ont des lumières dans la création
Et le mystère a des mystères dans la conscience de qui savent le garder
Et l’Être dans les êtres est un être créateur
Où mon cœur se repose, fait don et élit
Avec l’œil de la raison contemple ce que je décris
Car la raison a plus d’une ouïe consciente et d’un regard.

(Hussein Mansûr Al-Halâj. Poèmes mystiques)

L’art de Kharamidov est la plus ambitieuse manifestation — “œuvre”, en son sens étymologique — d’art jamais projetée par l’homme. Tentative unique dans l’histoire de la créativité humaine, elle restera indépassable.”