Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

26 septembre 2006

De l'unité des intellects

Londres, dimanche 27/12/2015, 19:30:50

Blaise Carver attend le retour de Laurence. Elle le lui a annoncé pour la fin de la journée. Si elle n’a pas de problème, elle ne devrait normalement pas tarder. Il pourrait l’appeler dans le train sur son téléphone portable, mais il sait qu’elle n’aime pas trop qu’il montre de l’impatience ou de l’inquiétude. Aussi n’a-t-il rien de mieux à faire qu’attendre. Pour occuper le temps, il parcourt sans grand enthousiasme les fichiers que lui ont fait parvenir les turcologues et les spécialistes de philosophie médiévale.

L’envoi des premiers comporte une masse de textes en latin comme : “Accipienda est igitur prima diffinitio anime quam Aristotiles in II De anima ponit…”, œuvres des auteurs dont Blaise avait transmis les noms au forum. Blaise n’est ni très savant en cette langue, ni passionné par le latin. Il ne cherche pas à constituer une base de données sur la philosophie mystique. Il se contente de les stocker dans sa bibliothèque virtuelle. Ça ne lui servira peut-être jamais, mais cela prend si peu de place sur les mémoires que ça ne coûte rien de les conserver.

Le fichier le plus intéressant est celui envoyé par un universitaire français, Alain de Liberi. Celui-ci accompagne en effet les données d’une explication générale. Peut-être un cours qu’il diffuse sur le réseau, peut-être un extrait d’ouvrage. En tout cas, son texte a le mérite d’être à peu près clair :

“La grande majorité des philosophes dont vous nous avez fait parvenir les noms sont connus pour avoir participé au grand débat anti-averroïste — du nom du philosophe arabe cordouan Abu-l-Walid Mohamed ibn Ahmed ibn Rushd, dit Averroès, né en 1126 et mort en 1198 — qui a agité l’église catholique au treizième siècle et s’est terminé par la condamnation, les 10 décembre 1270 et 7 mars 1277, à la demande du pape Jean XXI, de treize propositions philosophiques. Condamnation prononcée par Etienne Tempier, Évêque de Paris. Elle aboutit à la mise à l’index de 219 thèses. Il s’agit, pour l’époque, d’un conflit religieux majeur.

Les propositions condamnées sont des propositions averroïstes. Je me contenterai ici d’en donner un aperçu sommaire… Pour l’essentiel, la discussion porte sur les notions liées d’âme et d’intellect.

Pour Averroès, Dieu est le Premier Principe, intellect suprême, et moteur de l’univers qu’il produit de toute éternité. L’intellect humain, ou plus exactement “l’âme intellective”, est une “chose” composée d’une “disposition” en chaque homme : un intellect “hylique” actif et un intellect matériel, passif uni à cette disposition : “L’intellect matériel est numériquement un dans tous les individus de l’espèce homme, il n’est ni engendrable ni corruptible…” Ibn Rushd (De anima). L’intellect hylique n’est pas capable de “s’intelliger”, d’aller vers la pensée de lui-même, il est un intellect en puissance qui, pour devenir un intellect en acte, a besoin d’un moteur. Ce moteur est constitué d’un intellect unique (De unitate intellectu…), un intellect possible, commun à tous les hommes (théorie du monopsychisme) qui se constitue en nous au moyen des images. L’intellect possible est intermédiaire entre l’intellect suprême qui est Dieu et l’intellect hylique propre à chaque homme.