Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

18 octobre 2005

Un temps de chiens

Maguelone, dimanche 20/12/2015, 15:37:47

La journée est froide. Sous le soleil blafard, la Méditerranée est une immense nappe de fuel aux lentes ondulations huileuses. Les plages du Languedoc sont désertes. Entre la puanteur fétide des étangs et les embruns iodés de la mer toute proche, les ruines grises de l’antique cathédrale de Maguelone dressent leur silhouette.

Dans cette vieille basilique délabrée, dont la voûte crevée s’ouvre par endroits sur la grisaille désespérée du ciel, l’odeur est épouvantable : crasse, moisi, urines de chat mâle, merde, sueur, sang, vieux vomi, tabac froid, pourritures multiples, odeurs de chiens mouillés, fumées diverses se mêlent en un remugle indistinct et puissant qui frappe l’estomac comme un uppercut, donne à chacun une épouvantable impression de gueule de bois.

Il y a foule pourtant, bigarrée, multiple, mêlant les sexes, les âges, les races ; une foule excitée, bruyante mélangeant les insultes aux cris, les cris aux injures dans un vacarme assourdissant que chaque participant, luttant sans cesse, essaie de surpasser en hurlant plus fort encore que les autres. Mais là-dessus, ce sont les aboiements qui dominent, hurlements, grognements, jappements furieux de chiens qui, enfermés dans une espèce de piscine ovoïde, violemment éclairée, au centre de l’espace, à la place du chœur, se battent à mort. Quatre pitbulls enragés que, du bord de l’arène, leurs maîtres excitent sans cesse de leurs cris, se jettent l’un sur l’autre, essaient de se prendre à la gorge malgré les protections de colliers armés de pointes de fer, se mordent aux pattes, à l’échine, saisissent de leurs mâchoires puissantes toute partie du corps râblé de l’un quelconque de leurs adversaires qui passe à portée de crocs. Tous sont blessés, saignent plus ou moins, mais cela n’entrave en rien leur rage innée de combat. Tant qu’il leur reste une parcelle de force ils luttent à mort, emportés par une fureur sanguinaire.