Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

31 janvier 2007

Insomnie

Londres, mercredi 30/12/95, 03:60:36

Blaise Carver a essayé de s’endormir… Il n’y est pas parvenu. Il a eu beau tourner, retourner dans son lit, rien n’y a fait. L’affaire Kharamidov commence à l’inquiéter. Ce pari fait, à l’origine avec Laurence comme un jeu anodin, prend des proportions extravagantes. Il croyait que ce serait un crime relativement ordinaire, qu’il suffirait de fouiller un peu dans le passé de la victime, d’examiner sa vie, ses relations, de subtiliser quelques informations à la justice locale… Ça aurait dû suffire. Non, il a pénétré dans un imbroglio invraisemblable qui l’entraîne farfouiller dans les coins les plus mystérieux du réseau. Un vrai roman d’aventures…

Blaise ouvre les yeux. Dans l’espoir de se fatiguer pour s’endormir enfin, il se force à regarder fixement le minuscule trait de lueur qui souligne le haut de sa fenêtre. Il abandonne vite. Il est dans cet état épuisant où le corps réclame du sommeil alors que l’intellect s’y refuse. Trop fatigué pour se lever, se mettre réellement au travail, son crâne n’en est pas moins en ébullition. Il lui semble n’être qu’un cerveau. Il a chaud. Pour se rafraîchir, il s’allonge, nu, sur ses couvertures. En vain. Il essaie de se concentrer sur les quelques techniques de relaxation apprises autrefois : ne penser qu’à ses muscles ; les recenser les uns après les autres en s’efforçant de les détendre ; sentir le poids de chacun d’entre eux ; relâcher la mâchoire inférieure… Tout cela l’absorbe quelques secondes mais, quand il croit enfin avoir réussi à faire le vide, le seul fait d’en prendre conscience rameute la horde de réflexions qui le harcèlent. Il recommence à réfléchir. En même temps, il sait, d’une certitude douloureuse, qu’il ne va plus dormir et s’inquiète, pour le jour à venir, de son futur état de fatigue. Le stress augmente l’excitation. Les pensées reprennent le dessus. Cycle infernal qui se trahit dans la métaphore de son propre retournement sur le lit. Il n’a pas vraiment conscience du temps, ignore s’il est deux heures ou cinq heures du matin, s’il vient de passer dix ou cinquante minutes. Dans l’intensité souffrante de sa pensée, il vit un écrasement du temps.