Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

30 décembre 2005

La signature Kharamidov

Londres, lundi 21/12/2015, 19:51:05

Rachel hausse les épaules…

- Les dessins ne sont pas signés ! dit Elstir.
- Tu as raison !… Un artiste signe ses œuvres. Qu’est-ce que ça change ?
- Tout !

Elstir a l’air content de lui, comme s’il avait résolu une énigme difficile, jouissait de son triomphe futur. Rachel se coule contre lui :

- Bon, explique !
- Simple… J’ai pensé qu’il était impossible qu’un artiste comme lui ne signe pas ses œuvres. S’il n’y avait pas de signature apparente, c’est qu’il y en avait une cachée, Elstir attend, comme s’il réfléchissait, j’ai cherché. Ça n’a pas été difficile. Kharamidov emploie un truc connu des spécialistes d’images électroniques. Il code son nom dans l’image !
- C’est-à-dire ?
- Tu sais que toute information transportée par un ordinateur, sous forme de texte, de dessins, de photos, de vidéo ou de son, n’est rien d’autre qu’une suite de zéros et de uns. On peut donc facilement pratiquer le cryptage, cacher des textes sous d’autres textes. Certains logiciels, par exemple, permettent de cacher du texte sous les codes de formatage, ces instructions qui disent à un traitement de texte quand aller à la ligne, quel type de caractère choisir, etc. Chaque dessin n’est autre que la juxtaposition d’un nombre de points colorés, les pixels. Chacun a des caractéristiques bien précises !
- C’est le BA ba de l’informatique !
- En effet… la couleur d’un de ces points, d’un pixel, par exemple correspond à une combinaison de pourcentages de couleurs de base. Par exemple, ce rose est composé de zéro pour cent de cyanolite, quarante-huit pour cent de magenta, treize pour cent de jaune… Tu me suis ?
- Je vois pas où tu veux en venir ?
- Simple, mon idée était que Kharamidov utilisait ces valeurs pour dissimuler son nom dans ses peintures, en quelque sorte pour les signer de l’intérieur, les rendant impossibles à copier. J’ai donc programmé plusieurs hypothèses en cherchant des suites. Si “a” par exemple a la valeur 1, “b” a la valeur 2, etc. “kharamidov” donne la suite : 11 + 8 + 1 + 18 + 1 + 13 + 9 + 4 + 15 + 22. Une telle suite de valeurs ne peut être fortuite. Simplement elle est difficile à trouver car l’auteur peut décider d’ajouter n’importe quelle valeur à son codage, vingt, par exemple, ce qui donne la suite : 31 + 28 + 38 + 21 + 33 + 29 + 24 + 35 + 42, etc.
- Impossible de chercher toutes les suites possibles !
- Sauf qu’il y a une constante… La différence de valeur. Si tu pars de n’importe quel chiffre, il suffit de considérer que la suite s’amorce si la valeur du pixel suivant est de “moins trois” par rapport au premier, “moins dix” par rapport au second, etc.
- En effet, c’est astucieux… Et alors ? !
- Alors, j’ai trouvé : Kharamidov utilisait les valeurs de rouge — l’opposé du cyanolite. En attribuant un pourcentage de rouge égal à la valeur ASCII, c’est-à-dire à la valeur normalisée des caractères. Par exemple, 97 pour cent de rouge est égal à “a” et 65 à “A”. Toutes ses œuvres contiennent sa signature dissimulée dans son intervention !
- Magnifique, Bach écrivant ses cantates à partir de l’utilisation des lettres de son nom dans la notation allemande, remarque Rachel
- Un procédé classique en musique… même en littérature à certaines époques. Kharamidov l’a simplement adapté à la technique qu’il utilisait !