Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

01 février 2007

Blaise Carver et Sarpedon

Londres, mercredi 30/12/95, 04:10:16

Sarpedon l’inquiète… Sarpedon l’inquiète vraiment… et Sarpedon l’intrigue, lui donne à penser. Que les sectes aient connu une extension parallèle à celle du réseau oblige à réfléchir. Que l’apparition de phénomènes millénaristes apocalyptiques ne se soit pas calmée avec la fin du deuxième millénaire n’est pas rationnel. Qu’est-ce qui peut justifier un tel phénomène ? La paupérisation absolue des désintégrés serait une explication plausible si les sectes ne recrutaient que parmi eux. Or, tout ce que Blaise, Joseph, Jeff et Irina ont pu découvrir montre que si les désintégrés constituent la masse des troupes, il semble bien que nombre d’intégrés sont aussi attirés par elles. Les sectes sont devenues des phénomènes religieux de première importance. Religions noires, mais religions… De plus, il ne faut pas oublier qu’avec leurs moyens ces sectes ont pu se constituer en réseau, créer une forme parallèle d’intégration. Mais dans le réseau il n’y a pas de parallèles. Faudrait noter ça… Éveiller davantage ses muscles, bouger, entrer cette idée dans le gestionnaire d’idées de sa thèse. C’est un peu tôt, mieux vaut peut-être réfléchir encore. Blaise referme les yeux. Dans le réseau pas de parallèles : tous les points peuvent, à tous moments, être rejoints de n’importe où. Tout est accessible à tous. Le réseau ne peut être qu’un instrument d’intégration sociale. Du moins pour ceux qui y ont accès. En tout cas, c’est une des affirmations de sa thèse. Une cyberculture universelle assurant une parfaite intercompréhension. Pourtant, quelque chose cloche ! Comment se fait-il que, sur ce terrain unificateur se développent des sectes qui, par nature isolationnistes, délitent le lien social ? Blaise est maintenant persuadé que cette contradiction est insupportable. Ou il trouve une explication cohérente avec son approche, ou tout est foutu en l’air. Maintenant qu’il pensait arriver au bout, ce n’est pas le moment. Ce serait vraiment chiant !

Mais non. Une telle éventualité est impossible. Son travail tient debout. Blaise n’a pas pu se tromper à ce point. En fait, il suffit de réfléchir, trouver l’erreur. Blaise Carver ouvre les yeux, se retourne sur son lit, regarde l’affichage digital des heures : quatre heures vingt-deux… Ferait mieux de dormir. Serait certainement plus en état de réfléchir par la suite. Penser à autre chose ! À des choses sans importance : la soirée de réveillon à venir, ses projets de vacances avec Laurence, la couleur de la robe qu’elle portait à leur dernière rencontre… Rien n’y fait… Le cerveau est une foutue machine autonome qui ne se contrôle pas elle-même. Il revient inévitablement à son problème… Suffit de le poser avec clarté : l’axiome de base est que le réseau est un système intégrateur. Or il engendre des phénomènes de désintégration. S’agit de les répertorier. Qu’est-ce qui, dans le réseau est susceptible d’accroître l’émiettement social ? Quel est le comportement d’un usager moyen ? Comment lui, Blaise Carver, use-t-il du réseau, en quoi celui-ci l’intègre-t-il à une culture mondialisée ?