Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

16 décembre 2005

Une vie d'ermite

Saint-Pierre-des-Tripiers, lundi 21/12/2015, 18:54:28

Il y a bien des années maintenant qu’après une vie d’errances et d’incertitudes, André Pagès a posé ses pas dans cette maison fruste de pierre brute où l’attend la chaleur des bûches de hêtre brûlant lentement dans la cheminée. Il a choisi de vivre ici. Il est son maître et son valet; ne dépend que de lui-même. Lui seul décide de sa vie: c’est ici qu’il mourra. Et si parfois, dans les saisons plus clémentes, quelque randonneur égaré vient dans les environs, en cette saison de froid, de neige et de tourmentes, les murailles des flancs du causse cernées des douves du Tarn et de la Jonte en font un lieu d’isolement parfait. Des mois qu’il n’a vu personne. Robinson anachronique, la générosité de la nature environnante suffit à son autarcie: salades sauvages, champignons, baies, fruits, escargots, gibiers variés, il n’a besoin de presque rien d’autre… Ou de si peu. Il lui suffit, une fois par trimestre environ, de descendre dans la dernière petite ville encore habitée de la vallée du Tarn se procurer le nécessaire.

Le seul objet qui le lie au reste du monde est l’insolite coupole satellite fixée au clocher de la vieille église romane désaffectée…

Il est environ dix-neuf heures, André Pagès rentre chez lui. La petite pièce blanchie à la chaux est obscure, faiblement éclairée par la lueur du feu dans la cheminée. Presque pas de meubles : une table, deux chaises, un fauteuil, un lit dans le fond ; sur des étagères de planches brutes, quelques livres. Sur le fauteuil, Maaca, la chatte, dort en boule, gueule dans queue, ne levant distraitement la tête, à l’entrée de son maître, que pour marquer sa réprobation devant le coulis d’air froid provoqué par l’ouverture de la porte. André Pagès dépose une à une les multiples couches de vêtements qui le protègent, déroule son immense foulard, retire son passe-montagne, change ses bottes collées de neige pour une paire de charentaises, quitte ses gants de grosse laine, approche les mains de la flamme et, lorsqu’elles ont retrouvé une chaleur convenable, caresse lentement le ventre de sa chatte qui s’offre à lui, voluptueuse. Il éprouve dans ce geste simple quelque chose du bonheur. Sans retour, il a décidé que sa vie ne serait plus faite que de joies élémentaires de cette sorte…