Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

03 août 2006

Fouille à la pension Peirse

Montréal, samedi 26/12/2015, 14:05:10

Jordan Baker monte au premier étage: six pièces; six chambres peut-être. Le vide absolu des lieux ne permet pas de le savoir avec certitude. Toutes identiques. À ceci près que deux d’entre elles ont un bow-window: entièrement blanches, vides. Même pas l’inévitable papier traînant après tout déménagement. On dirait que la poussière a été faite tant tout est immaculé. Ceux qui vivaient ici avaient le sens de l’ordre. Il n’y aura sûrement pas grand-chose à apprendre. Même les projecteurs d’écran ont été enlevés. Peut être le filmage microscopique?… Baker en doute…

Le second étage est sous les toits: quatre pièces mansardées; deux petites, une grande. Tout est vide. Dans une grande: des traces sur la moquette, sur les murs, indices d’emplacements de meubles. À en juger par le nombre de prises électriques, certainement du matériel informatique. Les techniciens vérifieront tout cela. En tout cas tout le monde s’est envolé. Vite… La dernière visite de Karine et de Jim Buchanan date de la veille.

Baker redescend. Dans toutes les pièces des policiers s’activent, fouillent, filment, notent. Jordan s’arrête sur le palier de l’entrée, regarde longuement le vitrail qui orne la porte de la pièce où se trouve le cadavre de Dan Peirse. Aucun doute, c’est bien le médaillon trouvé dans la chambre de Kharamidov dont a parlé Karine. Baker retourne à la cuisine. Deux policiers, mains gantées, vident les placards… La routine. Jordan n’a plus grand-chose à faire. Il lui suffit d’attendre les rapports des labos…

Une porte-fenêtre donne sur le jardin, Jordan sort. Le froid est vif. Le ciel très clair. Partant du bas des trois marches qui descendent au jardin, de nombreuses traces de pas sur la neige contournent la maison. Baker les suit. Elles le mènent à une porte. Elle donne sur une cave. Sur la droite, en haut, à gauche d’une échelle de meunier en vieux bois, un interrupteur. Baker éclaire, descend. Une cave comme toutes les caves avec son lot habituel de tuyaux, d’humidité, de toiles d’araignées. Elle est divisée en quatre compartiments. Dans l’un, du bois, des vieilles planches, une chaudière avec cuve à mazout; dans le second, des étagères avec des quantités de conserves soigneusement étiquetées comme dans n’importe quelle maison bourgeoise bien tenue du dix-neuvième siècle. S’il n’y avait pas autant de cadavres, cette maison paraîtrait si paisible, calme… désuète, un peu archaïque. On s’attendrait presque à y trouver du vin, des pommes de terre, des jouets cassés, du linge qui sèche… mais non, rien de cela! Malgré son côté Simenon, Baker se demande s’il est toujours utile de tout examiner? Faut-il tout filmer, enregistrer, classer, archiver? Baker a des moments de doute. Il y a tant de déchet! Jordan rêve du génie qui saurait faire extraire automatiquement l’information pertinente de la masse des données. Pour l’instant, la seule méthode, archaïque, est encore celle de l’intuition. La partie scientifique de l’enquête ne permet guère que de vérifier des hypothèses a posteriori ou de conforter des soupçons, guère d’ouvrir des pistes réelles.