Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

16 octobre 2005

La cour des miracles

Sydney pénètre Passage du Caire, ancienne galerie marchande reliant la rue du Caire à la rue Saint-Denis. Ne subsistent plus là que quelques tripots sordides et deux ou trois officines aux attributions mystérieuses, lieux de toutes sortes de trafics. Comme d’habitude, il y a foule, gens de toutes races, tous âges, tous sexes, toutes couleurs, habillés des vêtements les plus extravagants, les plus colorés, qui palabrent, se chamaillent, s’agitent en tous sens sans que l’on puisse vraiment comprendre quel est le sens des activités auxquelles ils se livrent. Dans un coin, un homme portant plusieurs couches de vêtements plus sales les uns que les autres, yeux mi-clos, langue entre les lèvres, semble livrer sans fin un combat contre des insectes invisibles. Dans ce couloir étroit où chaque son se réverbère, le brouhaha est impressionnant : bribes de langues inconnues, cris, parfois même hurlements. C’est le “marché aux esclaves”, la nouvelle Cour des miracles sur le territoire de l’ancienne où chacun s’efforce de se vendre pour obtenir de quoi assurer sa survie. Des entrepreneurs viennent ici chercher de la main d’œuvre que, suivant leurs spécialités, ils rémunéreront contre des kilos de viande, des piles électriques, des boîtes de conserve, des pull-overs ou un poulet rôti. Des rabatteurs repèrent de la chair fraîche pour le plus grand plaisir de quelques amateurs. Des maris jaloux ou des concurrents déloyaux recrutent des hommes de main. Des intégrés endettés cherchent de faux voleurs pour tromper leurs diverses compagnies d’assurance. Des amateurs d’art décrivent l’objet qu’ils convoitent… Tout est possible, toute compétence particulière peut être rémunérée. La concurrence est redoutable, la demande pas toujours aussi importante que l’offre.

Traversant la foule, Sidney cherche un visage connu, quelqu’un à qui il saurait quel service proposer, dont il connaîtrait les désirs, les besoins. Il entre au “Souroumgane”. La salle du café est sombre, enfumée, bruyante. Une foule d’hommes se presse au bar. Dans le fond, des groupes assis autour de tables de métal jouent aux cartes, aux dominos, discutent… Sidney fait signe au barman, petit Asiatique au regard vif :

- Hey, Jo, quelque chose pour moi ?
- Rien !
- Aucune idée de ce que je pourrais foutre ?”
- Rien de spécial, c’est plutôt calme en ce moment.
- Je suis vraiment dans la merde, n’importe quoi me dépannerait bien !
- T’es marrant toi, tu crois que t’es le seul ?… Et ton mongol ?
- Chais pas où il est… faut que je me démerde sans lui… Si t’entends parler d’un boulot ?
- OK, je pense à toi… Tu prends quelque chose ?
- Rien à t’offrir… Ciao !