Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

25 novembre 2005

Un programme d'e-littérature

Texte et voix défilent en continu. Rien ne laisse présager une fin. Ça peut durer des heures… Apparemment, aucun moyen d’en sortir…

Mark déconnecte son ordinateur. Il a l’impression d’avoir été piégé. Il lui faut prendre sa revanche. Il se reconnecte, lance le programme de Pedro San.

L’écran devient blanc, étrangement lumineux, comme surexposé. Venus de très loin, une foule de souffles humains tous accordés sur un rythme rapide, saccadé, presque douloureux, se font entendre. La puissance des souffles monte lentement jusqu’à un certain paroxysme, puis décroît de même, avant de remonter à nouveau suivant un rythme très lent qui se superpose sans dissonances à la rapidité extrême du premier. Pendant ce temps, sur l’écran, dans une surbrillance qui blesse l’œil, apparaissent des taches d’ombre qui, grossissant, deviennent lentement des mots envahissant l’espace complet de l’écran tout en demeurant assez floues pour qu’il ne soit pas possible de les lire. Apparition, disparition des “mots” suivent un rythme différent des deux autres. À la fois en harmonie avec eux, et en léger décalage. Le tout forme un métarythme encore complexifié par une variation rapide de luminosité, comme un faceyement de voile ou un battement d’aile de papillon, inscrit dans une très lente et très douce pulsation d’intensité.

Mark est fasciné, ses yeux s’épuisent à vouloir déchiffrer les mots fantômes. Il lui semble percevoir “l’amour” mais c’est peut-être aussi bien “l’amor” ou “la mort” ou “mort” ou “meurt” ou “dort” ou “don”, “pardon”, “adore”, les formes tournent doucement, forment, déforment des mots sans que ceux-ci finissent par pouvoir être clairement distingués. Tout reste toujours dans un espèce de brouillard lumineux, séduisant, intriguant. L’ensemble des termes s’inscrit dans une variation minimale, “l’amer” peut-être ou “la mer” ou “aimer”. Mark s’efforce de déchiffrer ce qui bouge sur son écran. C’est presque une provocation… Il a vraiment envie d’y arriver mais les affichages se jouent de lui. Les lettres se déforment dès que le lecteur croit parvenir à lire. Peu à peu, une certaine somnolence l’envahit. Son regard s’alourdit. Son corps bat au rythme des pulsations sonores et lumineuses. Il s’endort…

Quand il s’éveille, son écran est encore allumé. L’ordinateur est déconnecté du serveur du musée. La montre affiche 14 heures 27. Mark consulte “l’historique” de sa séquence de travail : il est resté connecté au musée quatre-vingt-quatre minutes. Sa facture est de quinze dollars. Heureusement que chacune de ses expériences n’est pas aussi coûteuse.

Mark s’est encore fait avoir. Il n’aime pas ça. Ce Musée des littératures le provoque. Le vrai rieur est toujours celui qui rit le dernier.