Testament

New-York, mercredi 23/12/2015, 21 :03:08

Agence Mondiale de Presse, 12/23/2015, New-York, 21 heures 03.

“Affaire Kharamidov (suite). Testament de Kharamidov.

Notre agence vient de recevoir le communiqué suivant transmis par monsieur Gilbright, agent artistique de Khamid Khan Kharamidov dont les bureaux sont situés à Stockholm (Suède, Europe):

“Je m’appelais Khamid Khan Kharamidov. Si je ne fus pas l’inventeur du webart, je fus certainement celui qui lui donna ses lettres de noblesse. Aussi, ai-je décidé que, lorsque je devrai disparaître, je ne pouvais le faire sans léguer à la communauté humaine une œuvre majeure.

De nos jours, dans un monde qui ne peut plus s’accomplir que dans le numérique, l’évanescent, le virtuel, nous, les hommes, sommes destinés à ne vivre que par la puissance transcendante de l’esprit. Nos cathédrales ne seront plus construites en pierres, nos palais ne connaîtront plus le marbre, nos coupoles l’or. Les matériaux qui les composeront seront infiniment plus précieux : ils ne seront rien d’autre que l’émanation pure de la puissance de l’esprit humain nu.

En ce jour où il est certain que je ne suis plus de ce monde, c’est à l’humanité toute entière que j’offre ma chapelle Sixtine afin que mon esprit demeure parmi vous.

Lorsque j’ai disparu, 70 heures exactement après que j’ai cessé de manifester ma présence à l’un quelconque de mes ordinateurs, ceux-ci ont émis sur le réseau un programme artistique conçu pour se répandre en quelques minutes et pénétrer dans toutes ses ramifications. Lorsque cela a été fait, ce programme s’est activé annonçant d’abord ma mort par une minute d’obscurité totale. En fonction de mon âge au moment de ma disparition, il a généré ensuite autant de minutes de webart que d’années vécues, se terminant enfin par une nouvelle minute de silence visuel. C’est là mon legs à l’humanité, désormais inscrit sur toutes les mémoires humaines et toutes les mémoires informatiques. Pour parvenir à l’en retirer, il faudrait en effet détruire la totalité des données qu’elles portent. Je vous le déconseille. Seul le temps, au fur et à mesure du remplacement des machines obsolètes pourra en venir à bout. Je pense pourtant que vous ne pourrez plus vous en passer et que, dans l’hypothèse contraire, ce souvenir de mon acte restera profondément gravé dans vos cultures, votre mémoire relayant celle des machines.

Ce don que je fais au monde n’est en rien destructeur. Programmé pour se réactiver tous les ans à l’anniversaire de ma disparition, il générera, à chacune de ses manifestations, des interventions de webart inédites, puissantes, destinées à émerveiller l’humanité. Ne les négligez pas, ne les prenez pas pour de simples manifestations esthétiques… Au cours de mon existence la recherche de l’esthétique s’est toujours appuyée sur celle d’une éthique: mon œuvre contient, pour qui saura et acceptera de le voir, des messages toujours renouvelés pour le futur des hommes. Seuls ceux qui s’en donneront la peine seront à même de les déchiffrer.

Quelques heures après ma performance post-mortem, mon exécuteur testamentaire sera à même de diffuser ce message que vous lisez. Ainsi tout sera dit et accompli.

Que l’avenir soit avec vous !…

Khamid Khan Kharamidov”