Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

21 janvier 2007

Interrogations

Lyon, mardi 29/12/2015, 03:55:32

Depuis qu’il a lu ce testament, Sidney-Alcathe est profondément troublé. Il n’a pas pu dormir la veille, et ne peut encore trouver le sommeil. S’il entend bien les mots, il n’en comprend pas les intentions. Pourquoi l’Ouzbek, s’il l’aimait autant qu’il l’affirme, l’a-t-il laissé croupir si longuement dans la misère? Pourquoi attendre de disparaître pour lui annoncer son amour? Est-ce lui, Sidney, qui n’a pas su le comprendre, répondre à ses attentes? Sans le voir, il regarde par la fenêtre défiler la monotonie blanche du paysage. Le bruit, le mouvement du train créent un monde d’artifice qui l’isole du monde réel. Livré à l’intensité de sa réflexion, il lui semble vivre un intense moment d’irréel où temps et espace sont suspendus. Son crâne est une ruche bourdonnant de questions. Il essaie de revoir leurs moments de vie commune, de se remémorer leurs échanges. Mais à part des souvenirs de bonheur et de jouissance, rien ne l’a particulièrement marqué. Était-il si aveugle? Lui a-t-il donc fallu la rencontre avec Boèce de Dacie pour lui ouvrir les yeux? Quelle part involontaire a-t-il pris à la mort de l’Ouzbek en lui offrant la broche? Chaque être est-il donc prisonnier d’un destin sur lequel il n’a pas de prise? Comment peut-il choisir? Et quoi ? Décider, pour une fois, décider maintenant qu’il en a les moyens réels… À quoi le destin joue-t-il avec lui ?…

Sidney-Alcathe éprouve le besoin de marcher, il sort de son compartiment, parcourt le long couloir dont toutes les portes sont closes. Devant et derrière ont la même irréalité, sa marche n’a aucun sens. Pourtant il ne peut rester immobile. Coupé de l’autre monde dont il n’entrevoit, dans l’opacité des fenêtres, que la blancheur uniformisée par la vitesse, il est seul dans un monde vierge. Le réel, si proche, reste pourtant inaccessible… Il ferme les yeux, s’adosse à la cloison, se laisse porter par le flottement de ses sens. Puis, comme s’il voulait précéder la vitesse, mais sans savoir pourquoi, part sur sa droite, direction de l’avancée du train. Il parcourt un wagon, deux… trois… Entrant dans le quatrième wagon, il perçoit devant lui un autre bruit de portes, comme si quelqu’un d’autre le précédait, essayait de le fuir… Il presse le pas: le train lui semble interminable. Lorsqu’il atteint le dernier wagon, la part terminale du dernier wagon, personne… Il hésite un moment. Se demande s’il a été le jouet d’une hallucination, remarque la lumière qui filtre sous la porte des toilettes. Il feint alors de s’en aller, fait en sorte que le bruit de la porte qui se referme derrière lui soit bien audible, s’assoit au milieu du couloir. Attend…

Il ne sait trop ce qu’il attend… Peut-être un signe dans l’écoulement monotone du mouvement du train. Peut-être une lueur qui l’éclairerait sur lui-même. Peut-être rien… Au bout d’un quart d’heure environ, Sidney-Alcathe entend s’ouvrir la porte des toilettes. Assis sur le sol du couloir, il n’est pas visible de l’autre côté de la porte vitrée, il se tasse sur lui-même. Des pas s’approchent: la porte s’ouvre…

Un adolescent pénètre dans le couloir…