Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

23 décembre 2005

Intelligence collective

Londres, lundi 21/12/2015, 18:43:38

Elstir aimerait bien ne se consacrer qu’à la recherche d’informations sur Kharamidov, d’autant que les knowbots qu’il a programmés tout spécialement lui en ont déjà rapporté toute une moisson. Il ne peut pas vraiment… Sa thèse ne peut pas trop attendre. Il va perdre ses accréditations universitaires et ça, ce serait vraiment dramatique… L’époque est dure. Il est si facile de se marginaliser…

Ne serait-ce que pour se donner bonne conscience, pour se dire qu’il ne se laisse pas distraire du travail qui assure ses moyens d’existence et sa réputation intellectuelle, il lui faut consacrer un minimum de temps à la rédaction de cette thèse. Maintenant, il a décidé de s’y mettre, marche dans son bureau, dicte:

“Presque dès son origine, plus exactement dès l’apparition d’interfaces conviviales, de programmes donnant l’impression que n’importe qui, sans apprentissage particulier, pouvait savoir communiquer par leur intermédiaire — comme Mosaic ou Netscape. Le réseau fut à l’origine de toutes sortes d’utopies socio-économiques. La plupart des promoteurs de la technologie des réseaux crurent — ou du moins se persuadèrent — que ce moyen mondial de communication instantanée offrait, à n’importe qui, à partir de n’importe quel point du monde, l’accès à l’ensemble des connaissances universelles. Cette culture, universelle, devait apparaître comme un bien appartenant à l’ensemble de l’humanité, consommable même par les plus démunis.

Cette idée fut l’origine de l’utopie égalitaire. Chacun allait pouvoir prendre en main son acculturation et faire partager ses connaissances à n’importe qui d’autre…

Plus encore que l’information, l’intelligence elle-même allait devenir un bien commun offert à tous, partageable: une intelligence collective. Une idée curieusement proche de celle d’Abu Walid Muhammad Ibn Ruchd — ou Averroès — qui, au XII ème siècle, considérait déjà l’intelligence humaine comme en relation avec une intelligence collective séparée. Il y eut sur ce sujet nombre de conférences internationales, discours politiques, déclarations d’intentions. Lorsque de grands organismes comme l’ONU ou l’UNESCO lancèrent d’ambitieux programmes d’aide ou de recherche sur ce sujet, tous les états durent faire entendre leur voix. Chacun prit, avec raison, conscience de l’enjeu. Pour exister dans le monde, il fallait exister dans le réseau.

Ce fut l’origine de la notion moderne d’intégration. Est “intégré” qui participe au réseau ; “désintégré” qui n’y participe pas.”