Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

13 avril 2006

Les soins des corps

Paris, vendredi 25/12/2015, 18:25:45

Lorsque Moéra estime le corps de Sidney suffisamment savonné, elle lui demande de s’asseoir dans l’eau tiède et, massant du bout des doigts, avec force et douceur, son cuir chevelu, s’attardant sur les tempes, lui lave la tête. Ensuite elle prend le tuyau de douche, règle la pression du jet, demande à Sidney de se mettre debout, le douche avec soin.

L’excitation de Sidney est absolue. Il ne bouge pas, ferme les yeux, respire profondément, étire sous leur peau chacun de ses muscles, se détend, s’abandonne. Il lui semble que son sexe tendu à l’extrême irradie dans tous les pores de sa peau. Son être entier est une surface de sensualité pure. Son corps occupe un espace immense offert à la volupté. Aussi, quand, pour l’essuyer, Moéra l’enveloppe dans une serviette chaude, les portes du paradis s’ouvrent devant lui.

Moéra l’abandonne un instant, sort du bain, allume le projecteur d’écran: une musique sensuelle construite sur quelque chose comme un long souffle, une respiration paisible, se mêle à l’air de la pièce; sur le mur de souples images abstraites aux couleurs tendres se développent sur un rythme lent en de grandes arabesques qui tantôt semblent esquisser des fragments de corps emmêlés, tantôt se dissolvent dans des formes aériennes ou marines. Moéra s’allonge sur la moquette:

- Viens près de moi, dit-elle.

Nul besoin d’insister, Sidney est déjà allongé près d’elle. Il veut la prendre dans ses bras:

- Je t’en prie: laisse-toi faire… Ferme les yeux, détends-toi, laisse-moi m’occuper de toi.

Les mains douces de Moéra parcourent avec lenteur la surface électrisée du corps de Sidney, il sent la fraîcheur des lèvres qui, partant de sa poitrine, en une longue promenade sinueuse, descendent lentement vers la flèche brûlante de son sexe qu’elles prennent enfin dans un long baiser frais.

Comme si elle détenait une science consommée de l’art érotique, Moéra ne se donne à Sidney que lorsque l’ensemble de son corps à vif ne forme plus qu’une seule blessure d’amour. L’orgasme qu’il éprouve, comme s’il naissait au plaisir, lui semble être le premier de sa vie. Alors, seulement alors, Moéra se pelotonne dans ses bras:

- Bienvenue, dit-elle, tu es beau, je t’aime… Dieu est bon.
- Toi, tu es sublime !
- C’est Dieu qui m’a faite ce que je suis.
- Alors Dieu est sublime.
- Dieu est tout ce qui est. Chacun de nous, chaque partie sensitive de chacun de nous est, dans ses moments les plus intenses, liée à la transcendance de la sensibilité divine. Quand, dans une union charnelle, nous éprouvons autant de joie c’est parce que chacun de nous, délaissant la séparation qui le rend égoïste, se fond… s’oublie en l’autre et dans cet oubli rencontre Dieu… Sinon l’amour n’est qu’un acte bestial indigne du créateur et de ses créatures. Une prostitution.
- C’est peut-être pour ça que je n’ai jamais autant joui avant?
- Sans doute, il t’a fallu découvrir le don absolu de soi, l’abandon complet, la confiance aveugle. Tu as besoin de nous comme nous avons tous besoin de toi. Tu dois accepter d’aimer.
- Je t’aime.

Enveloppés dans les bras l’un de l’autre, ils perdent toute conscience de la durée, s’attardent longuement, se laissent envoûter par la musique, hypnotiser par les images mobiles et, peu à peu, s’emprisonnent eux-mêmes dans les vastes filets du sommeil.