Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

24 janvier 2006

Solitude

Paris, mardi 22/12/2015, 21:35:39

La petite pluie glaciale, qui fait briller l’asphalte graisseux, met en évidence le sordide habituel des comédies qui se jouent là. Sidney sent vaguement que la vie n’est pas là, qu’il doit y avoir autre part une autre façon d’être que dans cet abandon à la routine de comportements mécaniques uniquement tendus vers la satisfaction immédiate de plaisirs rapides et, somme toute, superficiels. Il a en lui un désir d’autre chose, une soif qu’il ne s’explique pas mais qui le tourmente, qu’il ne sait comment satisfaire. Il se fait chier, parle sans y croire de nanas de rêve, d’îles, de bagnoles de luxe, de grandes baraques sous les cocotiers avec yacht intégré… Il voudrait une raison de vivre mais. Dans sa solitude, il ne sait vers où se tourner. Il va aller manger, mais la bouffe du Turc n’exige pas que l’on s’attarde. En vingt minutes ce sera bâclé. Au mieux s’il trouve deux ou trois mecs de sa connaissance, il traînera encore une demi-heure, s’efforçant de faire languir une fausse conversation où, à part de parler de leurs coups tordus, de se raconter cent fois les mêmes exploits ridicules, de mettre en scène le strass de leurs rêves routiniers, ils n’auront rien à se dire. En comptant large, en s’efforçant d’étirer le temps, dans deux heures, à tout casser, il n’aura à nouveau plus rien à faire. Si, profitant de sa relative aisance actuelle, il se paie une fille, cela ne lui bouffera qu’une quinzaine de minutes. Après?… Les nuits sont longues quand on se lève à midi. Son territoire est minuscule, quatre rues, cinq?… Sorti de là il prend des risques. Il ne peut pas traîner dans les autres quartiers de désintégrés où il risque la dépouille, et sa peau. Il ne peut pas aller dans les rares quartiers sécurisés des intégrés. Faute d’argent, il s’y fait repérer tout de suite… Ça grouille de milices…

Avec l’Ouzbek c’était autre chose. Ils pouvaient aller n’importe où. Dans les quartiers crades, ils étaient des gogos potentiels à séduire et appâter pour en tirer le plus possible. Sidney connaît assez les écueils pour naviguer. Dans les quartiers chics, ils étaient des consommateurs et l’Ouzbek, question consommation, avait du répondant… Bien sûr, personne n’était dupe. Sidney, avec son air de petite frappe trop belle pour être sincère, était pris pour l’éphèbe qu’il était. Il s’en branlait. Il sortait de sa merde habituelle, rencontrait des gens intéressants qui avaient toujours quantité de projets en tête, montraient un grand plaisir à se rencontrer, discutaient des heures durant de sujets variés. Des mecs qui bottent le temps en touche, se shootent à la vie… Ça, c’était le pied.