Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

06 mars 2006

Une informatrice mondaine

Montréal, mercredi 23/12/2015, 20:16:10

De retour vers le poste de police, fatigué, déprimé, Michaelis a l’impression d’avoir perdu sa journée. Tout le fric qu’il a reniflé le déprime, lui qui est obligé de faire son sale boulot pour un salaire de misère… Il n’a rien appris qu’il ne sache déjà: Kharamidov était un artiste renommé dans le petit monde friqué de l’art des réseaux. Sa spécialité était de faire pénétrer ses créations dans les lieux les plus inattendus aux moments les plus imprévus, de “parasiter de façon créatrice la banalité pragmatique des comportements communicationnels établis”, comme lui a déclaré d’un air pénétré la petite pimbêche prétentieuse vivant dans une superbe maison victorienne de la banlieue sud, ajoutant d’un air ironique, l’index droit collé à son nez dans un geste d’élégance foll : “comprenez-vous inspecteur, quelque chose comme des virus bienfaisants venant soigner les maux de nos civilisations déshumanisées”. Quelle conne! Michaelis avait bien envie de claquer la porte et de se tirer.

Ce Kharamidov gagnait apparemment beaucoup d’argent à fabriquer ses plaisanteries. Il voyageait tout le temps, comme s’il avait horreur de se fixer quelque part plus de quelques jours. Ne vivait que dans des hôtels de luxe. Il fréquentait du beau monde, surtout des artistes avec lesquels il passait des nuits entières dans des boîtes. Il était assez mondain, adorait être invité dans les milieux rupins où son esprit faisait merveille.

- Lui connaissiez-vous des ennemis? demandait Michaelis.
- Des ennemis, lui… vous n’y pensez pas, il était si adorable!

Là-dessus, tous, hommes, femmes, étaient unanimes, Kharamidov était un homme charmant, très spirituel, cordial, généreux que tout ce petit monde aimait. Il n’éprouvait apparemment aucun autre problème existentiel que celui de la gestion d’un emploi du temps complexe.

- Saviez-vous s’il avait un amant?

L’éclat de rire était général, les réponses peu variées:

- Un… Khamid changeait d’amant comme d’hôtel!
- Kharamidov était incapable de se fixer, il n’aimait pas tel ou tel mais la beauté inépuisable de la jeunesse !
- Kharamidov était un jardinier qui n’attendait pas que les fleurs se fanent pour les remplacer!
- Hamid avait tous les jeunes amants qu’il voulait!

Agacé par la complicité mondaine qu’il devinait sous toutes les réponses et qui lui signifiait qu’il n’était pas du même milieu, qu’il ne pouvait comprendre, Michaelis était devenu agressif : “Il payait?”

- Inspecteur, comment pouvez-vous être si vulgaire?
- Je l’ignore… mais il était d’une générosité folle!
- Lorsqu’il le jugeait nécessaire, il n’hésitait certainement pas à aider ses protégés!
- Vous savez, inspecteur, comment dire… Khamid ne prenait pas tous ses amants dans le même monde. Je pense même qu’il lui arrivait de fréquenter des… comment dire… des désintégrés, n’est-ce pas!

Michaelis revoyait le jeune homme très élégant qui, après l’avoir reçu dans le salon immense de sa maison luxueuse, lui disait cela en souriant. Il appartenait sans doute à cette humanité qui n’a jamais connu autre chose que les maisons de vingt-cinq pièces, les terrines de caviar, les voitures avec chauffeur et les vols en première classe…