Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

24 décembre 2005

Elstir analyse la fracture numérique

Londres, lundi 21/12/2015, 18:45:19

Elstir arrête un instant de dicter, se demande si les premiers promoteurs du réseau étaient inconscients ou cyniques? Les deux certainement. Comme toujours avaient dû jouer à la fois le charme des utopies technologiques et le besoin de se faire connaître en affichant des opinions originales dans une société fortement médiatisée. Comment avaient-ils pu jouer avec le feu, ignorant volontairement — sous l’unique pression des intérêts économiques supranationaux?… — la réalité concrète des impératifs technologiques? Très simplement, pour accéder au réseau, il faut un ordinateur, pour que l’accès soit aussi universel que celui du téléphone, il faut au moins un ordinateur par foyer… Comment imaginer — alors qu’à cette époque des milliards d’individus n’avaient même pas accès au téléphone — que le saut technologique nécessité par la mise en réseau planétaire allait se faire aussi aisément? Comment ne pas voir que l’usage du moindre instrument technique demande une culture minimale, une lente assimilation sociale, qu’il n’était pas aussi naturel que l’on voulait bien l’affirmer, d’amener des masses analphabètes à l’usage de l’ordinateur…

Ces réflexions laissent Elstir songeur. Il reprend:

“Or l’accès au réseau n’était pas aussi facile que les gouvernants voulaient le croire.

D’une part, comme pour toute technologie, cet accès imposait l’existence et la maintenance d’une importante infrastructure matérielle: terminaux, serveurs, réseaux téléphoniques modernes, réseaux de câbles, réseaux satellites…

D’autre part, sa constitution, sa maintenance, avaient un coût non négligeable. Si les états avaient pu ignorer ce problème en prenant en charge la quasi totalité des dépenses lorsque le réseau n’était ouvert qu’à une minorité d’intellectuels et de scientifiques — même si cette minorité était composée de plusieurs millions d’individus —, ils ne le pouvaient plus dès lors qu’il s’agissait de l’ouvrir aux quelques cinq milliards d’hommes qui peuplaient la planète.

Enfin, plus encore que tout autre type d’échange, l’échange “universel” suppose une base minimale de compréhension. Mettre face à face un Kazakh et un Aborigène australien n’a jamais permis d’assurer le moindre dialogue. Si les usagers cultivés parvenaient à communiquer au travers d’un pidgin approximatif d’américain commercial, ce n’était pas le cas de la plupart des habitants de la planète dont une grande part était encore analphabète. Une autre variété d’utopistes prétendait cependant que l’on parviendrait un jour à assurer des systèmes de traduction automatique. Si, aujourd’hui, pour une petite poignée de langues, quelques progrès ont été faits dans ce domaine, les connaissances d’alors en étaient très loin. Il suffit en effet de remarquer qu’en 1995, le réseau INTERNET n’acceptait que les caractères non-accentués de l’alphabet romain pour se rendre compte de la distance entre utopie et réalité.

Ce fut l’origine du “cyberdream”.

Dès lors, devant les avantages qu’il offrait, le réseau gagna très rapidement de l’importance dans les couches éduquées des pays développés. Le résultat imprévu fut que, loin de permettre un nivellement des différenciations, il donna, à ceux en mesure de s’en servir, une avance considérable sur les autres catégories sociales. On passa insensiblement de la démocratie à la cybercratie.”