Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

14 novembre 2005

La thèse du Professeur Elstir (07)

Sa force sociologique est là. L’imprévisibilité absolue des incidences d’une information sur la masse des récepteurs d’information et des informations qui, sans cesse, transitent dans le réseau. Le réseau est un vaste magma d’informations en ébullition qui laisse éclater quelques bulles en surface mais dont l’essentiel des effets se produit de façon interne et chaotique. Invisible à l’observateur… Bien entendu tout cela ne s’est pas fait en un jour. Il y a eu de nombreuses tentatives “rétrogrades” comme les divers essais des États pour contrôler les informations diffusées. Ou ce que l’on appelait alors des architectures “clients-serveurs”, la tentative de ne laisser les informations disponibles qu’à ceux qui s’inscrivaient dans une relation de dépendance par rapport à un “maître” détenteur des clés… Les années 1990 furent à cet égard des années de batailles “philosophiques”. Il ne s’agissait de rien moins que de savoir si un réseau devait être ouvert ou fermé… Tenants d’une approche mercantile contre tenants d’une approche créatrice… Si les seconds finirent par triompher, ce n’est pas parce que leur philosophie apparut comme plus convaincante mais parce que la nature même des industries de l’information faisait qu’il ne pouvait en être autrement. Une information confinée est une information stérile. Une information disponible est une information créatrice.

Elstir ne citera pas le fameux “effet papillon” de la théorie du chaos, si galvaudé — ce battement d’aile d’un papillon dans les Tuamotu qui peut être cause d’un orage à New-York. Pourtant, dans la sémantique des informations, l’effet réseau, c’est bien ça… Multitude des informations, multitude des traitements simultanés et imprévisibilité structurelle des effets ont amené un réseau physique constitué de microprocesseurs, de fibres optiques et de réseaux hertziens à réinventer la sémantique du cerveau humain… Non son libre-arbitre, ni sa subjectivité ni son autonomie. Toute la différence entre le vivant et l’inerte !

Les utopies anticipatrices — qui continuent, dans la littérature de science-fiction à imaginer ce qui se produira le jour où le web commencera à raisonner — ne sont que des fictions, des utopies, abusées par ces effets de sens. Le réseau est un être mort qui tient sa vie des millions d’individus qui la lui injectent. Si, du jour au lendemain, ces individus cessent d’utiliser le réseau, celui-ci mourra aussitôt. Le réseau est une fourmilière de cerveaux qui peut se passer, sans dommage de l’une ou l’autre des fourmis, mais qui a besoin d’une “masse critique de fourmis”. Il ne peut perdurer que si le nombre des fourmis actives est suffisant. Deux fourmis échouent à constituer une fourmilière… C’est ça qui a provoqué le grand changement. Les “intégrés”, ceux qui participent au cerveau collectif en reçoivent en retour des “services d’intelligence” et un profond sentiment d’appartenance à une communauté virtuelle — y compris dans ces effets pervers auxquels il faudra consacrer un chapitre entier : désocialisation, effets de “clubs”, de “castes”, etc. ; les “désintégrés”, ceux qui, pour des raisons diverses, se sont séparés du cerveau collectif, errent dans un monde à part, construit sur des relations de proximité physique donc difficiles à organiser de façon stable, un monde individualiste toujours compétitif. Les “lois de la jungle” contemporaines…