Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

17 septembre 2006

Partouze mystique

Paris, samedi 26/12/2015, 19:35:07

Il sent sous ses pieds se retirer le pont de verre.

Aussitôt, son corps semble perdre tout poids, devenir léger, aérien… Si, pendant un centième de seconde, sa conscience lui a fait redouter la chute, il sait aussitôt la stupidité de cette crainte. Maintenant, il vole. Il sent sur sa peau des coulissures fraîches, dans ses cheveux des ruisselets d’air. Un sentiment extraordinaire de bien être s’empare de lui comme si chacun des pores de sa peau, se dilatant, s’ouvrait aux sensations du monde. Il ouvre les bras, écarte les jambes, se laisse, dans un total abandon confiant du corps, porter dans un espace qu’il imagine intersidéral où n’existent encore ni lumière, ni temps, ni sons, ni pesanteur.

Au bout d’un temps qu’il est incapable d’évaluer, une faible lueur bleutée apparaît dans son casque. Plus exactement dans ses yeux, comme si elle en émanait, si elle les éclairait de l’intérieur, comme si lui-même devenait lumière. Un son lointain, une lente mélopée aquatique, émerge de ses oreilles, emplit l’espace. Il flotte dans un univers de lumières douces et de sons, où le moindre de ses mouvements provoque des sensations sonores et lumineuses. Maître; maître de l’espace et du son, maître du temps qu’il déploie et contracte à sa guise: il est si riche de sensations, que le simple fait de plier un doigt lui semble durer des heures. Volant à la vitesse de la lumière, il traverse, en un dixième de secondes, d’immenses couches de perceptions qui le laissent pantelant de plaisir. Son corps est temps, espace; ondes, corpuscule. Sa peau, comme neuve, grouille de perceptions jamais encore soupçonnées. Il se sent envahi de caresses.

Alors, à ses côtés, flotte Moéra. Ils s’aiment avec une intensité encore jamais atteinte. Mais cette femme qui s’épanouit dans ses bras n’est plus Moéra, c’est Chiadé et cette bouche qui se referme sur son sexe, c’est celle du jeune homme blond qui l’a conduit à son baptême… Le vide de l’espace est empli d’êtres. Ce qui, auparavant, était souffle d’airs est devenu caresses, baisers, attouchements, fellations, étreintes… amour. L’espace qu’il creuse et emplit est un espace de chair. Des bouches, entraperçues dans l’assistance de son baptême, se collent à sa bouche, lèchent sa peau, prennent son sexe. Des mains inconnues, inventant sans cesse des caresses nouvelles, lui font éprouver des jouissances inouïes. Des sexes le pénètrent, l’engloutissent… Des centaines de corps aux chairs plus délicieuses, odorantes, douces, sensibles, les unes que les autres s’incarnent en lui. Des milliers d’haleines parfumées se coulent dans le torrent de sa respiration, une infinité de membres épars se rassemblent dans un corps unique. Alcathe n’est plus Alcathe mais Chiadé, Moéra, Cérix et… Alcathe et Cranaos et Damys et Lycaste et…

Tous ne sont qu’un.

Tous ne sont qu’un comme espace et temps. Ensemble, ils sont un être-univers éprouvant comme sensation unique l’ensemble indistinct et cumulé de sensations particulières. Ils se jouissent sans fin.

Quand, au sommet de la jouissance, leur plaisir se répand dans l’infini de leur orgasme, leur corps-univers éjacule des étoiles. Alors Alcathe se sent enlevé par un tourbillon, insensible, puis lent, puis qui, s’accélérant jusqu’à atteindre les limites de la vitesse, passe insensiblement du côté noir de la lumière comme si, quittant cet espace-temps, il perçait l’univers pour approcher des secrets indicibles de l’Être.

La jouissance d’Alcathe implose dans la violence d’un trou noir.