Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

20 novembre 2006

Quiddité

Paris, lundi 28/12/2015, 23:23:53

Comme chaque fois qu’il émerge du profond sommeil succédant aux séances d’effusion mystique provoquées par l’immersion dans son costume-de-données, Sidney se dissout dans l’esprit d’Alcathe : il devient autre… Par son dédoublement, son moi s’intègre à un être collectif dont il fait partie mais qui le dépasse. Il s’efface devant un Autre indescriptible, unique, collectif. Lorsqu’il resurgit dans la séparation douloureuse de la réalité, il ressent comme un besoin irrépressible, la nostalgie de cet effacement momentanément perdu, territoire auquel il aspire et qui lui manque. S’il ne tenait qu’à lui, il ne quitterait jamais ce cosmos virtuel dans lequel son être physique, son être spirituel et son être virtuel s’accomplissent merveilleusement dans l’égarement de la volupté. Désormais, il sait qu’il ne pourrait s’en passer. L’aspiration de son être est de s’y dématérialiser à jamais. Au retour, faim, soif, solitude, fatigue, — souffrance parfois —, reprennent leurs droits sur son corps. La faim surtout… Par crainte de ne pas être compris des autres adeptes, il n’ose pourtant en parler : les repas de céréales et de fruits ne suffisent pas à son corps vigoureux… Mais comme depuis qu’il a accepté d’être des leurs il ne sort plus qu’en bande, que la plupart du temps il est isolé dans cette pièce blanche qui lui sert de cellule de méditation, il n’a aucun moyen de manger plus que ce qu’on lui donne. Après tout, ce n’est pas important, ce que lui apporte son accueil dans le groupe vaut bien quelques efforts. S’il le faut, il est prêt à bien davantage.

Alcathe ne sait pas trop l’heure qu’il est. Il se situe dans une dimension du temps où jour et nuit, durée, absence et présence à la chronologie ont perdu toute importance. Le temps est pour lui ce qu’en fait la vie collective. Seul dans sa cellule dont il ne cherche pas à sortir parce qu’il n’est pas prisonnier, que dehors il n’a rien d’autre à faire, il attend. Assis en tailleur sur la moquette, il regarde les murs blancs. Il laisse dans son cerveau tourner des phrases, entendues lors des séances collectives de lecture, la plupart du temps par l’intermédiaire des écrans, ou dans de rares entretiens en tête à tête avec tel ou tel frère… ou bien phrases venues d’il ne sait où qu’il croit être les fruits de sa maturation intellectuelle. Même si, à l’état conscient, il n’en perçoit pas toutes les significations.

“La blancheur n’est pas une chose qui possède la couleur blanche. Ce qui possède la blancheur, c’est quelque chose d’autre que la blancheur elle-même; le corps, la matière. L’existence n’est pas une chose qui possède l’être; l’existence n’est pas quelque chose d’existant. Ce qui possède l’existence, c’est la quiddité.