Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

08 novembre 2005

Les initiales KKK

Le premier tiroir qu’ouvre Baker est plein de slips. Des dizaines de strings de soie blanche. Baker en prend un, glisse ses deux mains entre la cordelette qui sert de ceinture, les écarte. Ils ne devaient couvrir que le minimum… Il examine les étiquettes cousues sur la partie arrière du vêtement. Tous viennent de Paris, d’une même maison, rue Saint-Honoré. Baker prend son organizer, enregistre : “ne pas oublier de faire enquêter chez tous les fournisseurs de vêtements. En particulier de sous-vêtements…” Patiemment pour s’assurer que rien n’a pu y être dissimulé, il retire un à un les slips du tiroir, prend son temps… Non… il en compte soixante-deux. Voilà un homme qui n’aimait pas être pris au dépourvu…

Le second tiroir est plein de chaussettes, pliées ou jetées en boules… Un grand nombre, trente-cinq exactement, n’ont jamais été portées. Elles sont encore serrées dans leurs pochettes Cellophane d’origine, avec leur code-barre. Baker pousse la conscience professionnelle jusqu’à dérouler les vingt paires refermées en boules. En vain, ce ne sont que des chaussettes. Toutes en fil d’Écosse. Un raffinement archaïque, pense le commissaire.

Le troisième tiroir contient des accessoires. Pas de bijoux. De petites choses plus ou moins précieuses : quatre cravates à l’ancienne en soie lourde, épaisse, vivement colorées ; cinq cordelettes de cou avec leur fermoir de métal ; une paire de boutons de manchettes en or, des antiquités … peut-être d’époque ; une multitude de badges et pins divers. Certains en métal précieux. La plupart en plastique de couleur ; des pinces et anneaux variés, certainement pour tenir des cheveux, un catogan peut-être ; quelques bijoux : deux grosses bagues en or, une épingle à chapeau en métal argenté, un cabochon d’améthyste monté en broche, une grosse fibule émaillée aux motifs géométriques de couleurs vives et une deuxième broche qui paraît remarquable. Certainement ancienne. Les baguettes serties de brillants qui lui servent de cadre évoquent un décor “art déco”. Le cœur en est constitué d’un semis de fleurs sur fond de feuillage en émail bleu. Les fleurs semblent être autant de pierres précieuses : rubis, émeraudes, améthystes peut-être… Les spécialistes décideront. Au centre, deux lettres en or entrelacées. Un S, un P. Baker enferme ce bijou dans une sachet de nylon. Il met le tout dans une de ses poches.

Le dernier tiroir déborde de pochettes de soie blanche. Baker les sort une à une. Quarante-six, sans indication de provenance… Sur toutes, finement brodées, les initiales “KKK”. Au milieu d’elles, une simple carte de visite : Sar Pédon. Un nom, une adresse Email : “sarpedon@théo.pietro.it”.

Baker met la carte de visite dans la poche droite de sa veste.

Il quitte la chambre, tire soigneusement la porte derrière lui. Sans aucun début de piste sérieuse, il a l’impression de ne pas avoir tout à fait perdu son temps. Il lui semble connaître une partie de la psychologie de sa victime. Il ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine attirance… Le laboratoire s’occupera des autres détails.