Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

15 janvier 2006

Formes dynamiques

Saint-Pierre-des-Tripiers, mardi 22/12/2015, 21:18:20

22 décembre 2015. Un phénomène inattendu affecta simultanément la presque totalité des ordinateurs du monde. Du moins, ceux qui étaient alors connectés au réseau. Et ce quelles que soient leurs fonctions : serveurs, télévisions numériques, programmation… Ce phénomène se produisit à Paris le 22 décembre à 19 heures 34 ; à Moscou le même jour à 21 heures 34; à Montréal, à New-York à 13 heures 34 ; et à Tokyo le 23 décembre à 3 heures 34. Ses effets avaient été calculés pour toucher la majeure partie de la surface occupée de la planète pendant que la plupart des ordinateurs étaient en service. Seuls l’Océan Pacifique, l’extrême est de la Sibérie et l’Alaska, zones les moins peuplées du globe, étaient dans les heures nocturnes.

Tous les écrans de tous les pays du monde s’éteignirent. Plus exactement, ils ne diffusèrent, pendant une minute, que du noir. Les utilisateurs essayèrent diverses manœuvres: changement de connexion, déconnexion, extinction de l’écran… Rien n’y fit. Il y eut, sur les écrans du monde entier, une minute de noir absolu. Puis, lentement, venant de très loin, dans le silence, apparurent des formes floues. D’abord très fines, lointaines, indistinctes, elles se répandirent progressivement sur la surface des écrans jusqu’à former un entrelacs de traits. Quelque chose comme un dessin de mosaïque orientale se déformant sans cesse. À peine un entrelacs semblait-il stabilisé, permettant de lire un motif de réseaux géométriques, que celui-ci bougeait, se déformait pour créer, dans toutes les dimensions de l’espace visuel, de nouveaux motifs, d’autres réseaux tout aussi dynamiques et plastiques. Parfois les entrelacs se contractaient sur eux-mêmes, inscrivaient comme des lettres semblant empruntées à quelques uns des multiples alphabets de la planète. Sans que les formes restent suffisamment fixes pour qu’il soit possible de leur attribuer une signification précise. Puis ils se déployaient à nouveau pour développer leur rets sur le fond noir des écrans. C’était une exploitation systématique et, à la fois, une réinvention de tous les motifs ornementaux qu’avait pu utiliser l’architecture orientale. Une démonstration de maîtrise absolue, à la fois de la rigueur mathématique des articulations de motifs et de l’extrême sensibilité humaine qui avait présidé à leur constitution… La différence entre les travaux du mathématicien William Thurston sur les figures auto-similaires de dimensions fractales et leur exploitation sensible par le graphiste hollandais Escher. Toute la richesse de l’humain dans la précision du géométrique.