Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

23 janvier 2007

Rendez-vous

New Orleans, mardi 29/12/2015, 21:23:59

Brooks avait appelé sans tarder. La personne au bout du fil, avait interdit la visiophonie et dès qu’il avait dit téléphoner de la part du lieutenant Potseikin, son interlocuteur l’avait interrompu :

- Désolé, Monsieur Brooks, je ne veux pas vous parler au téléphone. Donnez-moi votre numéro, je vous rappelle.

Stag l’avait rappelé à son bureau en début d’après-midi.

- Brooks, Stag… Si vous voulez me voir, rendez-vous ce soir, 21 heures 30 au Taco Bell du South Drive Mall de New-Orleans.
- Je vous reconnaîtrai comment ?
- Passez en mode visiophonie, je vous reconnaîtrai.

Brooks s’était exécuté. Puis il avait imaginé un prétexte quelconque — une usine de son groupe alimentaire à visiter — avait visiophoné à Sue qu’il était désolé mais qu’il devait prendre la route immédiatement.

Brooks marche maintenant dans le mall, cherche la cloche jaune qui sert d’enseignes aux Taco Bell. Autour de lui, la plupart des boutiques ont déjà fermé leur rideau, seules restent ouvertes quelques enseignes de restauration populaire et deux ou trois de ces supermarchés défraîchis où rôdent les groupes glauques de désintégrés. Deux gardes tenant en laisse un pitbull patrouillent au milieu des papiers gras et autres détritus débordant des corbeilles à papier. Sur des bancs de bois autrefois vernis, des silhouettes sales dorment çà et là. Un homme ivre titube en travers de l’allée. Dans un renfoncement, un groupe de jeunes, hirsutes, en haillons, écoute une archaïque radio à piles. Brooks est mal à l’aise. Il n’a pas l’habitude de traîner dans des endroits pareils. Avec son costume, sa cravate, il se sent étranger, déplacé, presque coupable… un peu inquiet aussi. Il regrette presque d’être venu.

Il arrive au Taco Bell, s’installe à une table d’une propreté douteuse, commande au serveur un taco chili et un verre de bière, regarde autour de lui. La salle ouverte sur l’allée centrale est presque déserte. Les deux serveurs font étalage de leur nonchalance. Brooks se demande si Stag est bien là, s’il ne s’est pas trompé, s’il a bien compris ce qui lui a été dit au téléphone. Leur conversation a été si brève, pourvu qu’il ne se soit pas trompé ! Un homme d’une quarantaine d’années entre dans la salle, regarde autour de lui comme s’il cherchait quelqu’un, va au bar prendre un verre de Coca-Cola. Brooks se demande s’il s’agit de Stag mais l’homme s’en va avec son verre de carton. Dans un coin de la salle, un autre homme, la cinquantaine, mal fagoté dans une veste de nylon bleu matelassé, ventre débordant boudiné dans une chemise peut-être blanche, pantalon de couleur indéfinissable, cheveux blancs clairsemés aplatis sur une tête sphérique, semble somnoler devant une assiette de carton vide.