Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

14 mars 2006

Perfection de l'immanence

Paris, jeudi 24/12/2015, 00:55:10

Sidney n’est pas très sûr de saisir le sens profond de cette déclaration de foi, mais la certitude, la force en émanant, l’impressionnent. Il y trouve quelque chose de sécurisant, un écho confus de ce qu’il lui semble avoir éprouvé à plusieurs reprises, l’étrange impression d’être le jouet de forces blanches et de forces noires qui, luttant en lui, le dépassent, l’orientent dans toutes les directions d’une existence qu’il ne parvient ni à comprendre ni à dominer. Il arrête un instant de lire, laisse sa pensée s’imprégner de la justesse des phrases: “…l’homme ne pense pas, il est pensé…” Combien de fois n’a-t-il pas eu le sentiment que ses actes se déroulaient en dehors de lui-même, qu’il était porté par eux plus qu’il ne les ordonnait comme si, en lui — à côté de lui… au-dessus de lui…— il y avait quelque chose qui l’agissait. Il reprend sa lecture:

“L’individu humain est constitué par l’âme sensitive individuelle étendue et unie au corps selon l’être. L’intellect matériel — ou “possible” — est une substance détachée, éternelle, séparée des corps, unique pour tous les hommes et qui n’est en rien forme substantielle du corps. L’intellect agent, l’intellect actif, est une substance séparée transcendante — un intellect “hylique” — qui abstrait les universaux des individus et sans laquelle ceux-ci ne sauraient, faute de références partagées, communiquer. La connaissance individuelle ne peut s’effectuer chez l’homme que par l’intermédiaire d’images individuelles. Elle est appelée “intellect spéculatif”, lequel est individué et destructible du fait de son union avec des images contingentes. Mais lorsque la connaissance humaine s’accomplit, l’intellect possible s’unit à l’intellect agent et forme avec lui l’intellect acquis — “intellectus adeptus”. C’est, dans cet état, que se constitue la félicité suprême: la perfection de l’immanence. Elle consiste dans la connaissance immédiate, spontanée des principes premiers et séparés, dans la communion avec la Cause des Causes, le Principe des Principes qui n’est autre que Dieu. Alors notre pensée et la Pensée de Dieu sont une seule et même Pensée. Notre amour et l’Amour de Dieu sont un seul et même Amour.

L’homme n’est ainsi qu’un objet mû par l’intellect séparé qui s’unit à lui. Seuls lui appartiennent en propre les affects, les sensations, les souffrances génératrices d’images par l’intermédiaire desquelles il a la possibilité unique de participer au mouvement de l’intellect séparé. Chaque “intelligence” n’est qu’une des parcelles informes d’une immense et puissante intelligence collective agissante et pensante de toute éternité. Seul l’intellect séparé est immortel et éternel. L’homme ne peut être sauvé qu’à condition de parvenir, par le mélange intime des intellects élémentaires qui donnent forme à chacun des corps individués, à établir la complexion intime à partir de tous ses intellects grossiers et rustiques d’un intellect en puissance seul apte à recevoir l’Intellect Agissant.

Après des siècles de Ténèbres, guidés par SON Amour dans la voie de la Puissance et de l’Unité, les hommes de notre siècle élu disposent d’instruments puissants facilitant l’union indivise des intellects dans la fusion im-médiate de toutes leurs facultés. L’homme doit aujourd’hui accepter de s’accomplir pleinement. L’échec de son accomplissement sera le triomphe définitif du Chaos et de la Haine. Sa victoire celle de l’établissement éternel de l’Ordre et de l’Amour.

Les Temps sont venus. Le réseau de Cronos établit sur l’Univers la puissance d’une Métapsychose où chacun peut être.”

Sidney est impressionné. Il ne saurait trop dire pourquoi, mais il trouve dans ce texte une puissance de pensée, une force métaphorique qui le subjuguent. L’idée qu’il y a peut-être mieux à faire qu’à subir sa vie s’esquisse dans sa tête. La tentation de participer à une aventure intellectuelle capable de dépasser les petites mesquineries d’une vie minable toute vouée au seul quotidien lui apparaît comme une solution possible. Au moins pour un moment… Et puis il n’a rien à perdre, ça ne peut que le changer de sa merde…

Il sait qu’il ira à la rencontre à laquelle l’a convié Boèce de Dacie. Il en éprouve même une certaine impatience car, découverte irremplaçable, il vient de se donner un but.