Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

08 février 2007

Quelques cadavres

Turin, mercredi 30/12/2015, 04:59:36

Quand la police de Turin réveilla le docteur Giulio Chironi, il était plus d’une heure du matin. Couché depuis trois heures seulement, Chironi ne s’était pas montré de très bonne humeur mais les circonstances étaient exceptionnelles, il y avait urgence. Des batailles de rues avaient eu lieu entre sectes, la police avait huit cadavres sur les bras. Giulio Chironi devait absolument venir faire les premières constatations. Il était arrivé au service de médecine légale environ trois quart d’heures plus tard. Dans une salle carrelée de blanc, les huit cadavres, chacun enfermé dans une housse de nylon, étaient alignés sur des brancards de toile. Dans une poche de plastique transparent, six des huit housses présentaient une étiquette portant un nom.

Le docteur Chironi les avait fait extraire l’un après l’autre de leurs housses et identifier au fur et à mesure d’une étiquette attachée au gros orteil du pied gauche. Bien qu’habitué aux spectacles des morts violentes, Chironi eut du mal à retenir un haut-le-cœur à la vue de ceux qu’on lui présentait : tous défigurés, visages boursouflés, déchirés, couverts de sang coagulé… La police s’étant contentée de fouiller leurs poches à la recherche de documents permettant de les identifier, la première chose à faire était de les dévêtir, les laver pour analyser l’origine de leurs multiples blessures.

Trois d’entre eux étaient tout particulièrement amochés : ceux identifiés comme David Peirse, Patricia Tsalmuna et Jean Benoît. L’origine de leurs blessures étaient sans ambiguïtés : des chiens s’étaient acharnés sur leurs visages, arrachant des morceaux entiers comme s’ils avaient commencé à les dévorer. L’un d’entre n’avait plus de lèvres ; un autre plus d’oreilles, et avait perdu une joue ; le troisième avait perdu le nez, un œil, le menton… un vrai carnage, les visages étaient de la boue de chairs, hachée par un boucher dément. Sans aucun doute, ces bêtes étaient dressés pour le combat. Par ailleurs, comme en témoignaient les enfoncements des boîtes crâniennes, les nombreuses fractures de membres et les multiples contusions, ils avaient été sauvagement battus à l’aide de barres de fer, de gourdins, de manches de pioches. Peut-être même avaient-ils été piétinés — volontairement ou non — par de nombreuses personnes. Pour tous, la mort, sans aucun doute, provenait des coups reçus à la tête. La bataille avait dû être féroce, acharnée, primitive. Plus étrange, les mains avaient été brûlées — chalumeau ou cocktail molotov — le docteur Chironi ne pouvait le dire au premier abord mais, en tout cas, il ne fallait pas compter sur les empreintes digitales pour l’identification. Peut-être leur fichier dentaire pourrait donner plus de renseignements mais, même dans ce cas, David Peirse avait eu les dents de devant brisées certainement par un coup violent au visage. Pour le docteur Chironi, il était évident que l’identité de ces trois cadavres aurait du mal à être confirmée.