Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

03 janvier 2007

Fin du rapport de Joseph

Tolag, mercredi 30/12/2015, 09:45:00

Le troisième groupe enfin est peut-être plus intéressant pour la question que nous nous posons depuis le début : pourquoi Kharamidov a-t-il été tué ? Du moins, ils peuvent apporter un début de réponse. Ce sont des logiciels de cryptage. Grâce à eux l’artiste dissimulait des textes dans ses créations graphiques. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire toute l’admiration que j’avais éprouvée en décryptant certains dessins de ce webartiste. La découverte de plus d’une dizaine de sources de cryptage me rend encore plus admiratif. Comme je vous l’ai expliqué dans mon rapport du 25 décembre, Kharamidov avait inventé un cryptage dynamique à plusieurs niveaux enchevêtrés. Mais il ne s’était pas contenté de cela : il avait en effet réussi aussi à créer un système générique de ces cryptages. Le principe en était la séparation absolue entre les données et les traitements, ce qui confère une puissance générative illimitée. À partir de ces logiciels génériques, il pouvait prendre n’importe quel fichier texte et l’utiliser comme données pour l’un quelconque de ses logiciels de création graphique. Autrement dit, il suffisait qu’il dispose d’un texte enregistré quelconque pour que, automatiquement, ses logiciels de cryptage le transforment en constituants de l’un quelconque de ses générateurs de dessins. Imaginez ce que ça veut dire !… Dans le rapport que les turcologues on fait parvenir à Blaise Carver le 25 décembre, on peut lire que parmi ceux utilisés par Kharamidov figurent par exemple des textes de Hodja Amar Yassavi, d’Alisher Navoï et de Machrab. Supposons que les textes que Kharamidov possèdent soient :

— Yassavi 1, Yassavi 2, Yassavi 3, Yassavi x : Y1, Y2… Yx
— Navoï 1, Navoï 2, Navoï 3, Navoï x : N1, N2… Nx
— Machrab 1, Machrab 2, Machrab 3, Machrab x : M1, M2… Mx

Il pouvait ordonner à son logiciel de création graphique À d’utiliser le cryptage de Y1 ou Y2 ou Mx, donc de produire un affichage AY1, AY2 ou AYx… Le cryptage modifiant les valeurs des couleurs et des tressages, les résultats produisaient obligatoirement des variations plus ou moins perceptibles suivant les logiciels. Il pouvait faire de même avec son logiciel de création graphique B. Les résultats étaient évidemment différents : BY1, BY2 ou BYx. Vous comprenez ce que ça veut dire en terme de combinatoire : tout nouveau texte introduisait des variations dans ses créations graphiques. Qui elles-mêmes étaient dynamiques. Kharamidov a inventé un système infini de créativité. Pour simplifier, disons que les potentialités de chaque générateur graphique sont multipliées par le nombre de textes disponibles. On peut ainsi avoir des séries à la louange d’un auteur, à celle d’un thème, d’une langue, etc. Je ne connais rien à l’art, mais ça me paraît assez fort. Presque assez pour redonner confiance dans le génie humain ! Comme le corpus textuel est lui-même le résultat d’un système productif, il n’y a aucune raison que la machine s’arrête. Si demain j’introduis un autre texte dans le système de Kharamidov, je ferai produire du Kharamidov nouveau ! Son œuvre a acquis une vie indépendante de celle de son auteur. Encore faut-il posséder ses logiciels. Or, apparemment, seul Sarpedon les possède. Est-ce là une des raisons de son assassinat ? Sarpedon qui dispose de son côté de logiciels de cryptage graphique se trouve désormais en possession d’un instrument extrêmement puissant.

Pourtant, je ne crois pas que ce soit la vraie raison. Les logiciels de cryptage que Kharamidov avait mis au point étaient à double fin. D’une part ils pouvaient livrer des données à des logiciels de génération graphique ; d’autre part ils pouvaient extraire des données de résultats de génération graphique. Ils fonctionnaient comme fournisseurs mais aussi comme analyseurs. On comprend bien pourquoi… Pour Kharamidov, c’étaient des instruments de travail commodes qui, à tout moment, lui permettaient d’avoir une vue critique sur les productions de ses générateurs pour, au besoin, en corriger les algorithmes. À tout moment il pouvait mesurer les effets de ses structures de calcul, donc les adapter, les changer… Une des conséquences de cela était qu’il disposait d’analyseurs très performants sur n’importe quel dessin passant par ses logiciels. Mon hypothèse est que, pour une raison ou une autre, il a analysé des dessins de Sarpedon qui transitaient sur le réseau, qu’il les a décryptés. J’ai essayé avec ce dont nous disposons. Ça marche. Les logiciels de Kharamidov décryptent tous les dessins de Sarpedon. Sur les tests que j’ai effectués, ils donnent d’aussi bons résultats que les miens. Je pense que, comme nous, peut-être mieux que nous, Kharamidov avait compris ce qu’était Sarpedon. Si l’on en juge par ce que nous a appris la police de Montréal, il a dû être trop curieux. Le reste n’est plus de mon ressort.

Je dois maintenant vous avouer que je suis fatigué de tout ça. Je vais me déconnecter quelque temps… Je ne serai plus joignable. N’essayez pas ! J’ai fait ce que vous attendiez de moi, je n’ai pas envie d’aller plus loin. De toute façon, je pense que vous en savez assez et que vous pouvez vous débrouiller sans moi. Désolé mais je vous quitte. Je reste votre ami. Si un jour j’en ai de nouveau envie, je saurai où vous joindre.”