Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

12 novembre 2005

La thèse du Professeur Elstir (05)

Pendant que l’ordinateur exécute ces tâches, Elstir réfléchit, caressant, comme à son habitude le bout de son nez de l’index gauche. Il reprend :

- Suite… Autre paragraphe, même chapitre, même titre… L’informatique de l’époque était une informatique lourde, centralisée, peu puissante — voir G. Verroust, Histoire de l’informatique, Fayard, Paris, 2011 — Mettre cette remarque en note. Suite : Une frappe nucléaire sur le centre informatique du Pentagone, ouvrir une parenthèse, siège alors du ministère US de la guerre, fermer la parenthèse, risquait de paralyser toutes les capacités de riposte de l’armée américaine, donc, de l’ouest tout entier. Ce risque n’était pas acceptable, points de suspension, nouveau paragraphe !

Au fur et à mesure qu'Elstir parle, le texte s’inscrit sur l’écran :

“En 1969, quelques spécialistes pensèrent que pour que le “cerveau” de l’armée américaine soit moins vulnérable, il fallait le fractionner en une multitude de “sous-cerveaux” dont chacun pouvait se substituer aux défaillances de n’importe lequel des autres. L’architecture du réseau était née. D’une architecture centralisée, fragile aux attaques exérieures, on passait à une architecture décentralisée, répartie, presque insensible aux agressions externes. Plus de cerveau responsable et indispensable, mais la collaboration permanente d’un grand nombre de cerveaux autonomes.

Dès 1970, les scientifiques qui eurent accès à ce réseau s’aperçurent d’un certain nombre d’effets secondaires inattendus : d’une part, le réseau était accessible à partir d’un grand nombre de laboratoires des USA, ce qui leur permettait des échanges rapides ; d’autre part — contrairement à une idée naïve — la liaison la plus rapide n’était pas toujours la plus courte et il était parfois plus rapide d’accéder, à partir de New-York, à un ordinateur de Washington, en passant par San-Francisco. Le réseau parvenait toujours à trouver un point de passage quelconque reliant deux points où qu’ils se trouvent.

Ces deux composantes techniques modifièrent rapidement les usages. Les échanges scientifiques ne tardèrent pas à se multiplier. À la suite de quoi ce que les scientifiques découvrirent, même avec le réseau sommaire d’alors qui ne transmettait que des données pauvres — du texte pour l’essentiel — c’est que cette architecture en toile d’araignée avait des effets sémantiques. Circulant de façon totalement répartie, suivant des trajectoires inattendues, les informations, passant par des lieux qui n’étaient pas originairement prévus pour elles, se trouvaient dans des contextes inattendus où elles produisaient leurs effets spécifiques. Il y avait non seulement un effet “boule-de-neige”, mais également un effet “créatif” !