Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

16 mars 2006

Discussion initiatique

Paris, jeudi 25/12/2015, 01:20:18

Le temps passe. Sidney ne s’en aperçoit pas… Une à une, il regarde les têtes, les caresse, souligne lentement de l’ongle du pouce la courbe voluptueuse d’une lèvre, essaie d’imiter un sourire, le plissement des yeux… Il voudrait tant leur ressembler…

Soudain une voix de jeune fille le tire de sa contemplation:

- Sidney, bienvenue.

Le visage rosé de Moéra se penche vers lui depuis le sommet de l’escalier de marbre blanc. Elle est splendide, pieds nus, vêtue d’une ample tunique grège tombant sur un fuseau blanc qui moule le galbe de ses jambes, en fait ressortir la perfection.

- Salut, j’ai eu envie de vous voir… Boèce est ici?
- Les frères dorment, je suis seule. Monte quand même.

Sidney n’hésite pas, monte les marches.

- Je ne voudrais pas t’ennuyer.
- Tu ne m’ennuies pas, au contraire, je suis très heureuse de t’accueillir et que tu aies éprouvé le désir de revenir vers nous. Tu es toujours le bienvenu! dit Moéra tendant ses joues pour qu’il l’embrasse. Qu’est-ce que je peux faire pour toi?
- Rien de spécial, je m’emmerdais, j’ai eu envie de discuter… J’ai lu la brochure que m’as donnée Boèce.
- Qu’en as-tu pensé?
- C’est chouette; Je sais pas si j’ai tout pigé, mais c’est chouette, ça me plaît bien.
- J’en suis heureuse… Si tu veux, je t’expliquerai ce que tu n’as pas compris.
- D’accord.

Tout en parlant, Moéra ouvre une porte, dissimulée par les moulures des murs, qui donne sur un petit escalier. Elle s’y engage. Sidney la suit sans hésiter. Au sommet un long couloir blanc, assez étroit, qu’ils empruntent jusqu’à ce que Moéra ouvre une autre porte. Celle-ci ouvre sur une pièce de dimensions modestes, vide de tout meuble, murs blancs, sol recouvert de la même moquette épaisse que le reste de l’immeuble. Une grande fenêtre, cachée par un store de lin également blanc, diffuse une lumière douce. Le seul accessoire, au plafond, est le projecteur d’écrans.

Moéra s’assied en tailleur.

- Assieds-toi près de moi, dit-elle, nous serons mieux pour discuter. Que voudrais-tu que je t’explique?

Sidney obéit.

- Y a des trucs que j’ai pas bien pigé.
- Quoi par exemple?
- Chais pas, je me souviens pas bien.
- De quoi te souviens-tu alors, dit-elle le fixant avec une grande douceur.
- Ça parlait de Dieu et des hommes. Ce que j’ai compris, c’est qu’on est pas libres, qu’on ne choisit pas notre vie.
- En effet l’homme est un instrument entre les mains du Dieu d’Ordre et de Perfection qui n’en use qu’à sa guise!
- Ouais, c’est ça… L’idée que le hasard domine tout, qu’y a des mecs qu’ont de la chance et d’autres pas et qu’on peut rien y faire.
- Pas tout à fait. Dieu n’est pas le hasard, au contraire, il est la nécessité, l’ordre, il est la raison d’être… Je vois que tu es intéressé, j’en suis heureuse. Si tu veux, je demanderai au Maître de t’accueillir lors d’une de nos prochaines lectures… Ne voudrais-tu pas te mettre à l’aise, quitter tes chaussures?
- Ben.
- Que crains-tu?
- C’est que, hésite Sidney, mes chaussettes sont trouées.
- Quelle importance, mets-toi pieds nus comme moi!

Sidney se déchausse, retire ses chaussettes aux talons troués.

- En effet, sourit Moéra, elles sont trouées.
- Te fous pas de moi.
- Tes pieds sont sales.
- C’est pas très commode de se laver chez moi. En plus, en ce moment il caille.

Moéra semble hésiter un peu.

- Pour bien discuter, il faut être à l’aise, l’esprit ne doit pas être entravé par le corps, la pensée exige un équilibre parfait. Suis-moi, tu vas te laver.

Elle se lève. Voyant que Sidney, gêné, hésite, elle sourit.

- Suis-moi.

Sidney se lève, Moéra le conduit dans une autre pièce ne différant de la précédente que par une grande baignoire circulaire creusée en son centre.

- Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais te laver, dit Moéra.