Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

30 novembre 2006

Sécurités

Londres, mardi 29/12/2015, 23:20:56

Le froid est vif. Comme si les habitants redoutaient toute présence de la nature, la neige des rues a déjà été balayée. Seules quelques petites traces oubliées devant chaque pavillon persistent sur l’herbe des jardinets. Les rues sont désertes. La plupart des fenêtres obscures. Tout dort déjà.

Blaise n’aime pas du tout le conventionnel confort bourgeois de ce quartier d’Earlsfield où Laurence habite. Bien sûr, il n’est pas loin de Richmond Park et de Wimbledon Common qui lui assurent une certaine surface de verdure — bien qu’elle n’y aille jamais — mais, comme pour tous les quartiers sécurisés, les mesures de sécurité lui paraissent excessives. Non seulement toutes les habitations forment un mur sans ouverture sur l’extérieur, mais de plus, sans arrêt, patrouille une milice privée qui, bien que très courtoise avec les habitants, peut être très dure pour les intrus. L’accès, enfin, est non seulement contrôlé en permanence par un poste de garde mais aussi réservé aux porteurs du badge du quartier. Impossible d’improviser. Inutile d’espérer faire une surprise à un ami : sans son autorisation, sans le dépôt à l’entrée de sa carte d’identité électronique, l’entrée est inimaginable. Blaise préfère son appartement dans le vieil immeuble de Milmans Street à quelques pas des brouillards de la Tamise. Il y est moins en sécurité — même s’il ne s’est jamais vraiment senti menacé par les bandes de désintégrés qui rôdent dans les rues non-sécurisées de la ville — mais il y est connu. Et peut-être cela suffit. En tout cas, il n’a jamais eu de réels problèmes. Quelques agressions, comme tout le monde, qui l’obligent à donner quelques euros ; des menaces verbales ; des insultes… Blaise considère tout cela plus comme de la mendicité déguisée que comme des attaques. Ça fait partie de la vie comme de s’arrêter aux feux rouges, payer ses impôts ou se fouler une cheville. Ce n’est pas l’avis de Laurence. Il est vrai que c’est peut-être plus difficile pour une femme !

En tout cas dans cette forteresse qu’est son pavillon domotisé, elle ne risque pas grand-chose. Son réseau électronique personnel contrôle tout. Quand elle se pèse le matin, l’ordinateur enregistre son poids, la porte ne s’ouvre que si les empreintes de sa main droite qu’elle pose sur la plaque de verre de son verrou d’entrée et son poids — discrètement contrôlé par le paillasson — coïncident avec les données en mémoire. Sinon, porte close. Si jamais elle insiste, c’est un déluge d’alarmes. En quelques secondes, la rue est fermée par la milice, les projecteurs déclenchés, les caméras activées. Pire qu’à Scotland Yard. Généralement, rien de tout cela ne se produit, mais la seule idée qu’il pourrait être confronté à un scénario guerrier de ce type décourage Blaise. Il n’aime pas trop venir chez Laurence, préfère qu’elle vienne chez lui. Mais enfin… de temps en temps, il faut savoir faire abstraction de ses préférences… Laurence lui a demandé de venir finir la soirée chez elle, il n’allait pas faire la fine bouche !