Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

24 février 2007

Un journaliste et un policier

Hong-Kong, mercredi 30/12/2015, 11:29:59

Avec sa bedaine replète qui arrondit sa petite taille, sa mine de papier mâché, son sourire niais, ses poches sous des yeux fendus comme des lunettes esquimaudes, son feutre gris mou, Wu Min n’inspire aucune méfiance. Dans son métier de journaliste indépendant, c’est parfois utile, ça lui permet de tirer assez facilement les vers du nez de son interlocuteur sans que celui-ci s’en aperçoive. Ensuite, il est trop tard. Quand l’interviewé se rend compte qu’il a trop parlé, c’est le plus souvent lorsque son reportage — traduit, utilisé, reproduit par la plupart des e-zines de la planète — a déjà fait le tour du monde, que les royalties versées pour chacune de ses lectures ont garni le compte de Wu Min,. L’irrésistible effet boule de neige…

Ce jour-là, Wu Min est à Kowloon, dans le bureau de Yang Xindiang, officier responsablede la cyberpol pour l’ensemble de l’Asean. Wu Min fait un reportage sur la sécurité du réseau. Depuis quelques temps, des rumeurs parcourent l’Asie, des journalistes en mal de copie ont publié ça et là des articles à sensation sur les dangers que court la société mondiale qui serait trop dépendante du Web. D’après eux, divers groupes se seraient emparés du réseau qu’ils exploiteraient sans vergogne à leur profit: pillage d’informations plus ou moins confidentielles, regroupements de fichiers, transferts de fonds illicites, manipulation d’informations, désinformation… Tout y était passé. À en croire ses confrères, le monde était, sans s’en rendre compte, la proie des triades qui, en douceur, s’étaient assurées la mainmise sur le réseau. Wu Min n’est pas de ces journalistes qui se contentent de reproduire, en changeant quelques mots, les informations de ses confrères. Il aime l’investigation. Ce qui l’intéresse, c’est creuser, trouver le détail inaperçu qui produit un effet de loupe et met soudain en évidence ce qui crevait les yeux mais que personne n’avait encore jamais compris. Wu Min est bien décidé à connaître la vérité.

- Aqing, dans un article diffusé par la Asianet du 11 décembre, prétend que le taux de détournements bancaires réalisés par le réseau n’a jamais été aussi élevé depuis sa création. Il estime l’augmentation des vols à près de vingt pour cent par ans. Il évalue même le montant à quatre cent cinquante milliards de Yen, le produit annuel intérieur brut d’une région comme l’Indonésie.

Yang Xindiang affiche une sérénité sans faille. Jeune officier, passé par les meilleures écoles internationales, il s’est, avant d’accepter de le recevoir, renseigné sur Wu Min. Il sait que ce dernier n’est pas facile à berner. Il a décidé de jouer franc jeu, dire ce qu’il peut dire. D’ailleurs, à moins de révéler des secrets d’état, il n’a rien à y perdre. Pour éviter les questions gênantes, le mieux est de parler, tout dire ou, plus exactement, feindre de tout dire. Pour se montrer persuasif, il se redresse sur son siège comme s’il voulait lui faire des confidences, se tend vers son interlocuteur.