Conjonction des pensées vers Dieu

Londres, dimanche 27/12/2015, 19:42:12

Suite du message d’Alain de Riberi :

"Si donc chaque homme pense, c’est parce qu’il est relié à un principe de pensée commun à toute l’humanité présente, passée ou future. Par suite, le but de l’humanité devrait être double. D’une part, par la conjonction de tous les intellects humains, participer à la puissance de l’intellect possible : “Puisque la puissance ou faculté intellective de l’humanité ne peut être actualisée entièrement et simultanément, ni par un individu ni par les communautés particulières, il est nécessaire qu’il y ait dans le genre humain une multitude par laquelle toute cette puissance intellective soit actualisée… La tâche propre au genre humain pris dans sa totalité est d’actuer continuellement toute la puissance de l’intellect possible, dans un premier temps en vue de la spéculation, puis, par voie de conséquence, en vue de l’action” (Jean de Jandun, La Monarchie). Il y a donc un progrès vers Dieu dans la mise en commun, la conjonction des pensées. Cette conjonction, tâche ultime de l’humanité entière pouvant, provisoirement, être celle de communautés de connaissants, d’initiés. “L’humaine félicité réside donc dans l’union de l’intellect de l’homme à la Cause première… La félicité humaine consiste dans la contemplation, et au plus haut point dans la contemplation de l’Être premier.” (Albert de Bollstaed, De intellectu et intelligibili). Le but suprême de chaque homme est la recherche de l’union avec la divinité par la contemplation ou l’extase : “La félicité ne consiste en rien d’autre qu’à contempler assidûment, autant qu’il est possible à l’homme, Dieu et les substances séparées, principalement Dieu.” Jacques de Pistoia (Quaestio de felicitate).

Ce que condamne l’église dans ces thèses, c’est évidemment ce qui va contre les dogmes fondamentaux. L’hérésie, pour l’essentiel, peut être résumée ainsi : s’il y a un intellect unique commun à tous les hommes, il n’y a plus de notion possible de libre arbitre, donc de responsabilité individuelle devant Dieu. L’homme ne pense pas réellement, il est pensé. Dieu ne connaît plus les individus car, à la limite, il ne connaît que lui-même."

A ce fichier est jointe une longue bibliographie thématique que Blaise Carver ne prend même pas la peine d’ouvrir. Il ne comprend pas bien, ne voit pas où tout ça peut mener. Il a l’impression de s’éloigner de ce qui l’occupe dans l’affaire Kharamidov. Il est un peu découragé : leur pool de spécialistes demanderait à être encore élargi. Peuvent-ils comprendre ce qui se passe, ce dans quoi ils se sont pris les doigts sans faire appel à toutes les connaissances humaines ? Bien sûr, par le réseau c’est possible, mais où est-ce que cela le mène ? Sur bien des points sa thèse de l’intelligence collective lui paraît un peu faible. Après tout, il n’y a pas une grande différence entre son approche et celle de ces “averroïstes”, ne voit-il pas parfois le réseau comme une matérialisation technique de ce qu’ils appellent “l’intellect possible” ? Il est vrai que lui n’a pas besoin de Dieu. Ça change tout. Pour lui, le moteur d’intellectuation part de l’individu pour atteindre sa plénitude dans le groupe, le réseau. Pour eux, le moteur vient du groupe et diffuse dans les individus sans en tirer parti. D’un côté le groupe est constructeur, de l’autre il est consommateur. Mais “l’architecture” est la même. Cette idée le laisse rêveur… Les gens de Sarpedon, eux, croient en Dieu ; qui sait vraiment ce que le réseau représente pour eux ? Et Kharamidov ? La piste sûfi lui donnera peut-être d’autres éléments ?