Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

08 novembre 2006

Traque monétaire

Francfort, dimanche 27/12/2015, 23:45:13

La plupart des points lumineux sont inertes. Si l’un d’entre eux s’active, il se met à clignoter et un écran secondaire s’ouvre dans l’écran principal, affichant les informations utiles. Sur l’écran, quatre sont dans cet état :

— Limoges, Universal Porcelaine reçoit, en provenance de la Hongkong Trade Cie, un versement de cent mille dollars, aussitôt convertis en quatre vingt sept mille euros. Cette compagnie est enregistrée, la commande connue, la facture crédible, l’ordinateur ne détecte rien de suspect mais enregistre cependant, comme toutes les autres, cette transaction pour analyse ultérieure.

— Sofia, Transylvanian Bank, un versement de vingt millions d’euros au profit de la Türkisches Bank, dont le siège est à Francfort. L’ordinateur signale qu’à Bucarest il est minuit et quart, heure étrange pour une transaction de cette nature. À moins qu’il ne s’agisse d’un mouvement sur les changes dans une opération triangulaire avec la côte Ouest des USA. Rien ne confirme cette hypothèse. Après réflexion, Ulf décide de signaler cette opération, demande à son sujet une analyse spéciale dont va s’occuper aussitôt un collègue qu’il ne connaît pas : face à l’universalité du réseau, le cloisonnement est redevenu une règle de sécurité élémentaire.

— Poznan, un nommé Olsztyn reçoit cinquante mille euros d’un russe nommé Mlawa et en verse immédiatement quarante huit mille à un roumain nommé Miskolc. L’accréditation des opérations est douteuse, ça sent vraiment le blanchiment d’argent sale. Ulf signale aussi cette opération.

— Francfort, un nommé Daspéron, de Lausanne, réclame, à partir des codes d’accès carte Visa, un virement de cent mille deux cent vingt-trois euros au compte d’un nommé Kharamidov domicilié à la Türkisches Bank. Ce compte est sous décision judiciaire, signalé comme sensible: aucun règlement supérieur à cinquante mille euros n’est autorisé. La transaction échoue. L’ordinateur signale que les codes de l’opération sont suspects, la demande renouvelée très vite, à plusieurs reprises, sous des formes variables, comme si le demandeur essayait de passer les sécurités du serveur surveillé. Il rappelle, ce qui renforce l’aspect suspect de cette demande, que le compte sur le serveur de la Türkisches Bank a été déjà, dans les heures précédentes, approché pour des demandes de virement par un autre serveur logé à Francfort, appartenant apparemment au titulaire du compte lui-même pourtant décédé depuis plusieurs jours, que de plus, toutes les informations provenant de ce serveurs sont reroutées à partir d’un autre serveur situé à Vienne, en Autriche. Ulf demande une enquête approfondie sur ce qu’il analyse comme une tentative d’effraction: une ou plusieurs personnes non identifiables — dont peut-être le titulaire du compte — essaient d’extraire de l’argent d’un compte que la justice — pour une raison qu’il n’a pas à connaître — a décidé de bloquer. Il transmet une note au service 4231 d’Interpol Genève, que la fiche de renseignements signale en charge de tout ce qui concerne ce compte.

Au fur et à mesure que les serveurs s’inactivent, leurs écrans secondaires se ferment. Mais, pendant qu’Ulf traite ces quatre opérations, deux autres se sont déjà ouvertes sur l’écran : une à Rome, une autre à Genève. Heureusement que c’est une heure calme. À certains moments se sont des dizaines de transactions simultanées qu’il doit analyser et traiter. Son travail est aussi stressant que celui d’un agent de change ou d’un contrôleur aérien. Parfois il se demande s’il ne devrait pas se faire verser dans le corps des analystes qui suivent les anomalies signalées. C’est moins payé, mais peut-être plus intéressant. En tout cas, c’est moins fatigant.