Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

22 décembre 2005

Jeunesse de Hamid Kharamidov

Paris, lundi 21/12/2015, 19:25:10

Quand Kharamidov était parti pour Paris, il avait embarqué Sidney sans problèmes. Leur vie avait duré quelques jours comme ça. Mais la concurrence était rude et l’Ouzbek n’avait pas les yeux dans sa poche. De pute-mac, ils étaient passé à big brother-frangin. L’Ouzbek lui avait donné de quoi trouver une piaule et basta… Enfin, pas tout à fait… Sidney n’est pas du genre jaloux, crise de nerfs et regrets… Ils avaient fait leur temps ensemble, pas de quoi fouetter une morue. Ils étaient restés bon copains, pouvaient même, moyennant échange de bons procédés, partager quelques corridas — avec ou sans mise à mort. La vie n’était ainsi pas désagréable. Chacun acceptait d’aider l’autre à la mesure de ses possibilités…

C’est ainsi que le protégé avait fini par devenir rabatteur. Le protecteur tapi au coin du bois n’avait plus qu’à attendre que le gibier passe à sa portée. Ça crée liens et souvenirs communs. Sidney et Hamid étaient devenus de vrais frangins… Faut dire aussi qu’Hamid n’était pas un ingrat, qu’il savait reconnaître à leur juste valeur les talents de Sidney, ce qui lui facilitait la vie… Sidney avait pris à la fois l’habitude des aides matérielles de Hamid et de ses rencontres. Il n’était pas sûr de savoir ce qui des deux lui manquait le plus… L’Ouzbek était un grand voyageur. Mais quand il était à Paris, il retrouvait toujours Sidney pour des chasses à courre dans le centre-ville. La jeunesse de Sidney était un bon appât. Les deux faisaient merveille. Hamid pourtant n’était pas un salaud genre cul, troc et ciao… Il faisait souvent ce qu’il pouvait pour dépanner vraiment les mecs avec lesquels il prenait du plaisir. Sidney trouvait même ça étonnant, ne comprenait pas bien car… Après tout, dans la jungle, la seule loi est celle des fauves. Peut-être qu’il y prenait son pied, qu’il avait besoin, pour jouir vraiment, de se sentir bon et généreux — la vie de Sidney lui avait appris que les intellos sont toujours un peu givrés. En tous cas, Hamid avait une bonne réputation. Sidney ne lui connaissait pas d’ennemis. C’était sûrement un des rares intégrés qui pouvaient rôdailler sans trop de dommage dans le marché aux esclaves. On pouvait bien lui faucher quelques bricoles, mais aucun désintégré n’avait une réelle envie de lui faire la peau… Ou alors, ce serait un accident !…

Et ça, c’est rudement classieux !…

Mais l’Ouzbek n’a pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. D’habitude, quand il est en voyage, il envoie un fax, une mail-card… quelque chose… Là, rien… C’est d’autant plus étonnant qu’il aurait déjà dû être revenu à Paris… Ça fout le blues… Si on peut même pas faire confiance à un mec comme Hamid, y a plus qu’à se flinguer… Sidney a beau lui trouver des excuses, chercher à imaginer ce qui a pu se passer, il ne peut pas chasser l’idée que l’Ouzbek, comme tous les autres, l’a laissé tomber quand il n’en avait plus besoin. Rien de mieux pour vous montrer que vous n’êtes qu’une merde, que vous puez, pire que vous portez poisse, trimballez sur vous des chtouilles contagieuses genre peste ou Sida, que personne ne peut avoir besoin de vous… Au mieux, on vous squatte un moment en mettant des capotes, le temps de se payer votre poire, de vous la jouer sentimental amitié, violons et harpes, puis basta. Chacun va se désinfecter chez soi. Les nantis dans soie et parfums, les paumés dans boue et puanteur… Dans le crâne de Sidney, les idées, douloureuses, s’entrechoquent — Pearl Harbour, Omaha Beach, Sarajevo… Ça pète dans tous les coins, le démolit, l’enfonce dans la mouise. Faudrait sortir, se magner le train, s’arracher à ce putain de marais nauséeux qui lui tient lieu de cerveau…

Ce serait quand même plus cool si quelqu’un lui tendait la main…