Un blog de l'hyperfiction intitulée "La disparition du Général Proust" : Général Proust, Les écrits de Marc Hodges, Vie sexuelle de M H, Jean-Pierre Balpe, Un roman de Marc Hodges, Les inédits de Marc Hodges, Le journal de Charlus, Les poèmes de JPB, Le premier album photo de Marc Hodges, Le second album photo de Marc Hodges, L'album photo de JPB, Le carnet d'Oriane, Les poèmes érotiques de MH à G, Les écrits de Jean-Pierre Balpe"… Extrait du roman La Toile (ed. Cylibris)

26 novembre 2006

Composer un visage

Sion, lundi 28/12/2015, 23:48:00

La voix marque une assez longue pause, comme si elle devait reprendre son souffle ou chercher au plus profond de sa pensée des expressions rigoureuses :

“Je su-is. Et je su-is dis-pa-ru. Ma tâ-che ter-res-tre est ac-com-plie, mais le Grand Œu-vre, que vous de-vez pour-sui-vre, res-te à me-ner à bi-en. Nous a-vons cré-é sur la ter-re un pu-is-sant ré-seau de pri-è-re et de mi-se en sy-ner-gie des in-tel-lects a-gents. Il faut que son a-ccroi-sse-ment se pour-suive jus-qu’à ce que l’hu-ma-ni-té enti-ère y par-ti-ci-pe. A-lors, seu-le-ment a-lors, el-le se-ra sau-vée, pou-rra — dans sa glo-ba-li-té — pré-ten-dre à l’U-ni-fi-ca-ti-on.

Vous le sa-vez, des for-ces con-trai-res s’y o-ppo-sent que nous de-vons com-ba-ttre. Mal-gré la mul-ti-pli-ca-tion de nos ra-mi-fi-ca-tions, no-tre tâ-che ter-res-tre n’est pas ter-mi-née. Je dois trans-met-tre le scep-tre. Ou-vrez les yeux, mes frè-res, voi-ci vo-tre nou-veau Grand Maî-tre. À Dieu !… Pri-ez !”

La voix de Denys l’Aéropagite s’éloigne. L’intensité de la lumière baisse. Les adeptes commencent une lente mélopée construite sur un unique souffle. Quand ils ouvrent les yeux, la lumière qui émane du vitrail est devenue supportable. Dans sa profondeur s’esquisse une silhouette, puis un visage qui, indistinct, hésite entre plusieurs formes toujours mobiles. Tantôt vacille la forme de la bouche, tantôt celle des sourcils, tantôt la luminosité du regard. Alors, les quatre vitraux encadrant le vitrail central s’éclairent doucement. Ils creusent un espace de lumière au fond duquel, lointaine, floue, réapparaît l’image centrale. Il semble, dans leur mobilité, qu’entre les cinq images s’échangent des informations, que chacune d’elle est un moment particulier de l’ensemble des autres: la bouche de l’image centrale s’inscrit sur le visage du premier vitrail puis s’efface, réapparaît dans le quatrième; le nez passe du second au premier; un regard saisi dans le troisième vitrail se déplace sur le quatrième… Comme si, d’un ensemble de visages assemblés une forme définitive tentait de s’extraire. Comme si les cinq vitraux devaient, chacun à leur manière, filtrer un ensemble de traits composites d’où naîtrait une forme réelle. Peu à peu, les forme de chacun des vitraux se différencient. Enfermés dans de légers halos de lumière, des visages précis se composent, acquièrent leurs caractéristiques, deviennent reconnaissables. Au centre, le visage de Taddeo da Parma, immédiatement à sa droite, Boèce de Dacie, puis Siger de Brabant; à sa gauche, Jean de Jandun, puis David.